Créée en janvier 2022 avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), la Cellule Sectorielle Genre du Ministère des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs a révélé un dynamisme qui lui permet de jouer le rôle de locomotive dans l’intégration de l’approche Genre dans toutes les politiques sectorielles.
D’où la formation intensive qui a été dispensée à ses membres, du 10 au 12 octobre 2022, au cours d’un atelier-retraite dans la ville de Tiguint, à mi-chemin entre Nouakchott et Rosso.
Comprendre le Genre pour plus d’efficience
Pendant trois jours, les membres de la cellule ont suivi une formation dispensée par une experte dans le domaine, Mme Neya Hally. Définition, concepts et généralités, différence entre sexe et genre, les stéréotypes liés au genre, ainsi que les notions d’égalité, d’équité et de discrimination en matière de genre, les pratiques traditionnelles néfastes, les explications détaillées de la consultante ont été suivies de débats et de discussions. Il fut question également de la nouvelle approche basée sur le Genre et le Développement (GD) au lieu de l’ancienne approche (IFD) qui se focalisait sur des activités exclusivement réservées aux femmes.
Les membres de la cellule ont été également largement imprégnés des notions de violence sexiste et de violences basées sur le genre et les violences à l’égard des femmes ainsi que leurs manifestations diverses (violences physiques, affectives et psychologiques, le viol, les violences socioéconomiques, etc.
Les participants ont aussi suivi plusieurs présentations portant sur des thématiques comme « Genre et Développement », « Genre et Santé de la Reproduction », « Genre et droits humains ». Ont été également rappelées des mesures importantes, comme la Participation Politique de la Femme (PPF) dans un processus entamé en 2006 et qui a permis le quota de 20% accordée aux femmes dans les élections, quota relevé par la suite à 30%, à travers l’Ordonnance 2006-029 du 22 août 2006 révisée en 2012.
Des statistiques ont été fournies sur la base des données de l’EDS 2019-2020. Par exemple, le taux de mutilations génitales féminines (MGF) est de 70%, les mariages précoces, 17% chez les moins de 15 ans, violence sexuelle 6%, violences physiques 9,6% et les violences conjugales 5,3% chez les 15-49 ans.
Ces taux sont jugés alarmants par la consultante qui a énuméré les différentes conventions internationales ratifiées par la Mauritanie ainsi que les mesures juridiques et institutionnelles prises pour la défense des droits des femmes. Elle a cité le Code du Statut Personnel, le Mécanisme de surveillance pour la mise en œuvre des conventions, les missions de la Commission nationale des droits de l’homme, de la Commission interministérielle et l’Office national des droits de l’homme, chargé des rapports de suivi et de la mise en œuvre des recommandations issues des Examens Périodiques Universels. Ont été aussi citées des institutions comme l’Observatoire Egalité-Genre et l’Observatoire National des droits des femmes et des filles.
Toutes ces dispositions n’ont pas permis une représentation significative des femmes dans l’administration et les fonctions électives (voir Encadré).
L’approche Genre encore mal comprise par les décideurs
La Mauritanie dispose d’une Stratégie Nationale d’Institutionnalisation du Genre (SNIG) de 2015, démarrée en 2017, qui peine à être mise en œuvre malgré le plaidoyer intense mené par le Ministère de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Famille (MASEF).
Les participants ont suivi également un exposé présenté par Khadijetou Mint Yahya, Directrice adjointe au Ministère des Affaires Economiques sur la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP), notamment son Plan d’Action 2021-2025 qui prévoit parmi ses chantiers des volets portant accès des femmes à la santé de la reproduction et à la formation professionnelle ainsi qu’à l’éducation.
Khadijetou Mint MBourou, sage-femme et présidente de la Cellule Sectorielle Genre au niveau du Ministère de la Santé a aussi présenté une communication sur le Genre et la santé de la reproduction, indiquant les pesanteurs sociales et le manque de personnel féminin dans les postes de santé, ce qui continue de bloquer selon elle l’accès des femmes aux structures sanitaires, notamment dans les coins les plus reculés du pays où le poids des traditions reste vivace. Elle a surtout mis en exergue la faible prise en compte de la dimension genre.
C’est pourquoi beaucoup d’espoirs sont placés sur le Ministère des Affaires Economiques qui est au cœur des politiques économiques du pays et sur lequel les acteurs comptent pour booster l’approche genre dans les autres départements et dans toutes les politiques sectorielles.
Pourtant, de l’avis de Bouna Ely Bouha, Conseiller du Ministre des Affaires Economiques qui pilote la dimension genre au niveau du département, dix cellules sectorielles genre ont été créés dans les différents départements clés de l’Etat. La plupart sont encore non opérationnelles, les responsables à la tête des institutions publiques, dont des ministres, n’appréhendent pas encore l’utilité de l’approche genre dans le processus de développement, selon l’avis de plusieurs participants.
Beaucoup ont surtout fustigé l’instabilité gouvernementale et les changements rapides et incessants des staffs des ministères, ce qui explique selon eux, l’anéantissement des efforts et l’éternel recommencement, chaque responsable faisant table-rase des actions entamées par son prédécesseur.
S’agissant de la cellule genre du Ministère des Affaires Economiques, Bouna Ely Bouha a fait état des deux études menées par le département, l’une sur l’approche genre dans quelques institutions publiques comme Taazour et le projet SWEDD et une étude plus globale sur l’approche Genre en Mauritanie financée par la Banque Africaine de Développement (BAD) et dont il fut question lors de la visite le 12 septembre du directeur de la BAD et de son staff à Nouakchott.
Il a également souligné que l’activité en cours est la première entamée par la cellule et qu’un arrêté est déjà sur la table du ministre fixant la composition de la cellule et les indemnités des membres, ainsi que le budget alloué. Il a pour l’occasion sollicitée l’appui de l’UNFPA en termes d’équipements et de moyen de locomotion.
Le respect Genre, une exigence des bailleurs
Khadijetou Lô, Chargée des questions liées aux violences basées sur le Genre à l’UNFPA a mis l’accent sur l’importance de la coordination, exprimant le souhait que la Cellule Sectorielle Genre du Ministère des Affaires Economiques puisse être élargie afin que chaque département y soit représenté. L’objectif serait de fédérer toutes les parties prenantes pour booster l’approche genre au niveau de tous les départements.
Elle a mis en exergue l’importance de cette cellule et son imbrication sur la SNIG. Elle a souligné que sa position est stratégique car logée dans un ministère qui coordonne toutes les stratégies et politiques de la SCAPP, laquelle prend en compte les engagements de la Mauritanie vis-à-vis de la Conférence Internationale Population et Développement (CIPD). Elle a rappelé au passage les 11 engagements du pays pris lors de la CIPD+25 à Nairobi, la 5ème portant sur le Genre, mais aussi par rapport à l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD) et l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.
Aujourd’hui, a-t-elle dit en substance, le respect de l’approche Genre dans toutes les politiques sectorielles est devenu une exigence des bailleurs de fonds au niveau international.
Le constat, relevé lors des débats, est que le Plan d’Action de la SCAPP 2021-2025 ne prend pas suffisamment en compte la dimension genre. C’est pourquoi les bailleurs ne s’intéressent plus à la Mauritanie, selon le constat fait par des observateurs suite à la dernière réunion de Banjul sur les MGF, où la Mauritanie n’a pas reçu de financement à cette occasion.
A rappeler que l’ouverture de l’atelier s’est déroulée sous la présidence de Mohamed Habiboullah Mohamed Ahmed, Chargé de Mission au Ministère des Affaires Economiques et le Hakem de Tiguint, Bâ Alpha Ibrahima, en présence de Mohamed Teghra, Conseiller du Ministre des Affaires Economiques et de Mohamed Bedde, Conseiller de la Ministre de l’Action Sociale.
Cheikh Aîdara
ENCADRE 1
État de lieu de la participation des femmes aux postes administratifs et mandats électoraux
2 femmes ministres à la Présidence de la République et 4 femmes ministres
1 femme Commissaire (Sécurité Alimentaire) au rang de ministre
1 femme Directrice de Cabinet du Premier Ministre
1 femme Directrice à l’Agence de Promotion de l’Investissement
1 femme Directrice de PROCAPEC
1 femme Secrétaire Général au Gouvernement
8 femmes Hakem Mouçaid
1 femme au grade de Commissaire de Police
18 femmes Officiers de Police et/ou Inspectrices de Police dont 4 dirigent les Commissariats pour Mineurs et 1 au Commissariat de la Police Judiciaire et sont appelés Commissaires
0 femme Directrice à l’Action Sanitaire
98 femmes médecins généralistes
34 femme Médecins Spécialisés (toutes spécialités confondues)
1 femme Directrice Régionale de l’Education Nationale (DREN)
1 femme Directrice de l’Hôpital Mère et Enfant
1 femme Directrice de la Société de Transport
1 femme Directrice à la Centrale d’Achat des Médicaments (CAMEC)
23 femmes professeurs dans l’Enseignement Supérieur
180 femmes d’Affaires (environ)
ENCADRE 2
Postes décisionnels Total Hommes Femmes % de Femmes Ministres 28 22 6 21.4% SG Ministères 25 22 3 12% Ambassadeurs/Consuls 44 40 4 9% Wali 15 14 1 6% Hakem 63 61 2 3% Députés 157 126 31 19.7% Maires 219 208 11 5.02% Conseillères municipales 3831 2446 1385 36.15% Présidente Conseil Régional 13 11 2 15.33% Conseillères Régional 231 132 99 42.85% Magistrats 314 313 1 0.31% DREN 15 14 1 0.19% DRAS 15 15 0 0%
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