Aïssata Niang est le point focal du forfait obstétrical au centre de Santé de Sélibaby. Ce matin du 7 avril 2021, elle est débordée. Elle ne sait où tourner de la tête, sous la pression de dizaines de femmes venues des villages les plus reculés du Guidimagha. « Les remboursements des frais expliquent en partie cette affluence. Celles qui avaient versé 400 MRU, doivent se faire rembourser, car le forfait est désormais gratuit », explique-t-elle. Entre la caissière principale et elle, la valse des forfaitaires ne cesse de donner le tournis.
Le forfait obstétrical pour freiner la mortalité maternelle et néonatale
Aïssata Niang est prise entre deux feux. Elle jette ici et là un regard furtif. « Toi, tu as payé en février 2021. Va faire une photocopie du reçu, tu passes me voir ensuite pour le signer et tu pars à la caisse pour te faire rembourser tes 400 MRU », lance-t-elle en Pulaar à une jeune dame, qui a pris du temps pour comprendre ce que veut dire « photocopie ». Elle vient d’un village Peulh près de MBeydiya. Aïssata est submergée.
Koura Demba Diawo, 22 ans
Elle a le sourire un peu dérobé, derrière des lèvres noircies par le tatouage. « Je suis très contente, surtout que je ne m’y attendais pas. Je ne m’attendais pas à me faire rembourser 400 MRU, au moment où je me demandais quoi faire pour ramener ce soir un peu de lait en poudre au village ». Venue de MBeydiya, à plusieurs kilomètres au Sud de Sélibaby, elle a brusquement le rire fou, lorsqu’on lui demande pourquoi elle ne connaît pas « photocopie ». « C’est la première fois que j’entends ce mot, je ne pensais pas qu’on pouvait faire une photo, sauf à une personne », réplique-t-elle au milieu de l’hilarité générale.
Des dizaines de femmes, de toutes les communautés, emplissent la salle d’attente ouverte aux quatre vents. Elles caquettent, discutent entre elles, assaillent Aïssata et la caissière, carnets entre les mains.
Mamya Mint Kaber, 26 ans
Mamya vient de Adabaye Ghouwiya, à vol d’oiseaux de Sélibaby. Elle fait partie du lot de femmes qui avait déjà bénéficié de la gratuité du forfait. Enceinte de six mois, elle est venue pour sa troisième consultation. « Je suis très contente avec ce système de forfait. Nous nous soignons gratuitement, même les « telveza » (échographies), les accouchements et les consultations. Avant, on n’avait pas de quoi payer ces services et on accouchait à domicile, avec les risques que nous connaissons. Maintenant que les grossesses sont prises en charge par l’Etat, les femmes du village viennent dans les structures de santé », confie-t-elle.
Pour Mamya, la pandémie du Covid-19 n’a eu aucun effet sur leurs conditions de vie, ni sur leur santé maternelle. Sauf au début de la pandémie, en 2020. « Nous avions eu quelques difficultés l’année dernière, lorsqu’on avait limité la circulation très tôt l’après-midi, à 16 heures, puis à 18 heures. Cela avait perturbé le travail de nos hommes et limité nos déplacements, même pour venir au centre de santé », précise-t-elle.
Le forfait est un système d’assurance basé sur le partage du risque obstétrical, entre la patiente enceinte qui décide d’adhérer, paye une cotisation (400 MRU), et l’Etat qui verse 500 MRU. Ces frais couvrent l’ensemble des soins futurs liés à la grossesse (consultations pré et post-natales, deux échographies, les examens médicaux, l’évacuation, l’accouchement et la césarienne, en cas de besoin). L’objectif est de réduire la mortalité maternelle et néonatale, qui est en Mauritanie respectivement de 586 pour 100.000 et 29 pour 1.000 naissances vivantes. Le ratio de mortalité maternelle et le taux de mortalité néonatale sont parmi les plus élevés de la sous-région. Aujourd’hui, les femmes enceintes du Guidimagha ne payent plus la moindre ouguiya pour leurs frais de grossesses et d’accouchement.
La télémédecine pour booster l’offre de santé au Guidimagha
Dr. Taleb Salem, directeur de l’hôpital régional de Sélibaby, apprécie l’unité de télémédecine dont sa structure vient d’être dotée. « Il s’agit d’un grand apport pour le système de santé au niveau de la région du Guidimagha. Nous n’aurons plus désormais besoin d’évacuer les malades à Nouakchott par manque de certaines spécialités. Avec la télémédecine, nous pouvons prendre contact avec n’importe quel spécialiste à Nouakchott. Il nous oriente par rapport à certaines pathologies nécessitant, avant, des évacuations coûteuses et périlleuses », explique-t-il.
Dans le cadre du soutien des Nations Unies au plan de réponse du gouvernement mauritanien contre la Covid-19, notamment l’accroissement de la deuxième vague, le PNUD et l’UNFPA ont appuyé le Ministère de la Santé, le Ministère des affaires économiques, le Ministère des Finances et la cour des comptes à travers un dispositif complet d’équipements en télémédecine et matériels de vidéoconférence (66 équipements de vidéoconférence, 61 écrans téléviseur, 71 ordinateurs de bureau, 4 ordinateurs portables, 61 onduleurs, 100 tablettes, 1 imprimante multifonctionnelle et 1 vidéo projecteur + écran de projection). Cet appui permettra de renforcer les capacités opérationnelles du Gouvernement et de faciliter les formations, réunions et consultations à distance.
Cheikh Aïdara
aidara.mondoblog.org