Personnage clé dans l'affaire du financement libyen, l'intermédiaire Alexandre Djouhri, réclamé depuis des années par la justice française, est arrivé jeudi à l'aéroport de Roissy et devrait être présenté d'ici 24 heures aux magistrats anticorruption français en vue de sa mise en examen.
L'homme d'affaires franco-algérien, au cœur de l'enquête sur des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, a été remis aux autorités judiciaires françaises à sa descente de l'avion, en provenance de Londres, a-t-on appris de sources judiciaire et policière, confirmant BFMTV.
Alexandre Djouhri, 60 ans, se trouvait jeudi soir dans les locaux de la police aux frontières de l'aéroport parisien.
Contactés par l'AFP, ses avocats français n'étaient pas joignables dans l'immédiat.
Il avait été arrêté en janvier 2018 à l'aéroport de Londres, en vertu de mandats d'arrêt européens émis par la justice française, notamment pour "détournements de fonds publics" et "corruption".
Hospitalisé après une série d'accidents cardiaques, l'homme d'affaires a été assigné à résidence dans la capitale britannique après avoir payé 1,13 million d'euros de caution.
Après deux ans de bataille judiciaire, une cour britannique a confirmé le 22 janvier la décision, rendue en février 2019 par le tribunal de Westminster, de le remettre à la France.
Quelques jours plus tard, son avocate en Angleterre a indiqué à l'AFP l'intention de son client de se rendre de lui-même en France pour "contester avec véhémence la procédure".
Alexandre Djouhri est très attendu par les magistrats français qui souhaitent le mettre en examen, les investigations ayant mis au jour plusieurs flux financiers suspects l'impliquant dans l'affaire libyenne.
Le nom de ce proche de l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin puis de Claude Guéant, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, est notamment apparu dans l'enquête pour la vente en 2009 d'une villa située à Mougins, sur la Côte-d'Azur, à un fonds libyen géré par Bachir Saleh, ancien dignitaire du régime de Khadafi.
Il est soupçonné d'en avoir été, derrière plusieurs prête-noms, le véritable propriétaire et de l'avoir cédée à un prix surévalué, permettant de dissimuler d'éventuels versements occultes du régime.
"C'est l'imaginaire et la machination, j'ai jamais eu de villa en prête-nom et j'ai jamais vendu de villa à Bachir Saleh", s'était-il défendu en mars dernier sur LCI.
- "Persécution" -
Lors d'une perquisition à son domicile à Genève en mars 2015, la découverte d'un RIB au nom de M. Guéant, avait aussi intrigué les magistrats.
Ceux-ci soupçonnent le bras droit de Nicolas Sarkozy d'avoir reçu 500.000 euros pour rétribuer diverses interventions en faveur de M. Djouhri, notamment auprès d'EADS (devenu Airbus group) à qui l'homme d'affaires aurait réclamé plusieurs millions d'euros de commission pour une vente d'avions à la Libye.
Claude Guéant a toujours soutenu que cette somme était le fruit de la vente de deux tableaux de peinture flamande.
Ne parvenant pas à auditionner l'insaisissable "Monsieur Alexandre", son surnom dans le milieu politique, les magistrats avaient décidé d'émettre un premier mandat d'arrêt en décembre 2017, complété par de nouvelles charges en février 2018, après son arrestation.
Mais M. Djouhri, qui a dénoncé plusieurs fois une justice "politique" et une "persécution", conteste la validité des mandats d'arrêt. La question doit d'ailleurs être débattue le 19 mars devant la cour d'appel de Paris.
Sa défense avance que la loi helvétique ne contraignait pas ce résident suisse à se rendre en France. Et que les convocations informelles des enquêteurs, par e-mail et par téléphone en juillet 2016, n'ont pas respecté la procédure.
"Ils ont fait une perquisition (à son domicile, ndlr), ils n'ont absolument rien trouvé donc ils ont inventé une fuite pour pouvoir m'arrêter à Londres", avait-il déclaré à la sortie du tribunal en février 2019.
Témoignages de dignitaires libyens, notes des services secrets de Tripoli, accusations d'un intermédiaire... Après six ans de travail, une somme d'indices troublants ont donné corps à la thèse d'un financement, par le régime de Khadafi, de la campagne présidentielle victorieuse de Nicolas Sarkozy.
Mais aucune preuve matérielle n'a été retrouvée, même si des mouvements de fonds suspects ont conduit à huit mises en examen à ce jour, au premier rang desquels Nicolas Sarkozy, ses anciens ministres Claude Guéant, Eric Woerth.
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AFP