L’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz n’est pas prêt à démordre. Comme il l’avait promis, il ne lâche pas la politique et, comme il l’avait dit et répété, aussi bien au pays qu’en Europe où il a passé près de deux mois, il ne refuse pas la confrontation. Au contraire, même. Pour preuve, sa décision de se rendre à Nouadhibou, la capitale économique qui s’apprêtait à recevoir l’actuel président de la République, Mohamed Cheikh ould Ghazwani. Dans cette ville, l’ancien homme fort de Nouakchott a reçu, si l’on en tient aux vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, un accueil populaire qui lui a certainement rappelé les immenses bains de foule que les Mauritaniens lui réservaient quand il était à la tête du pays. Voiture décapotable, you-yous et des Aziz, Aziz en veux-tu, en voilà et à tue-tête… Des images tendant à faire croire que l’ex-Président garderait quelque sympathie en la capitale économique.
Les organisateurs de cette visite peuvent en tout cas se frotter les mains, en attendant la riposte prévisible de l’INSAF et de ses sympathisants. Ould Abdel Aziz recouvre virginité après avoir écopé, comme tout simple citoyen fautif, une amende du GGSR sur la route d’Akjoujt. Admettons. Mais quel message entend-il porter à la population de Nouadhibou ? Cela inquiéterait-il le pouvoir ? Selon des informations relayées sur les réseaux sociaux, hôtels et auberges auraient reçu une mise en garde de recevoir l’ex-Président et sa suite. Cela rappelle celle qu’avaient reçue des télévisions privées lors de sa première conférence de presse suivant sa mise en cause dans le dossier de la Décennie.
De fait, cette première visite au Nord témoigne de l’importance qu’il accorde à cette partie du territoire. On se souvient de ses prises de position sur la résistance contre la pénétration coloniale, des modifications du drapeau et des paroles de l’hymne national. Ould Abdel Aziz voulait rééquilibrer les rapports de forces auparavant en faveur du Sud et l’Est du pays, cette dernière partie étant considérée comme le réservoir électoral de la république.
Riposte attendue de l’INSAF
La visite de l'ex-président à Nouadhibou intervenait quelques heures à peine avant celle prévue de son successeur au pouvoir. Celle-ci a été reportée suite à un déplacement inattendu du Président à Washington mais celle-là n’en devrait pas moins apparaître, aux yeux des militants et sympathisants de l’INSAF, comme un défi pour ne pas dire provocation. Aussi faut-il s'attendre à une riposte des supporters du président de la République. Accusés par certains responsables locaux du parti de n’être que des « touristes », les hommes d’affaires ne ménageront aucun effort pour une véritable démonstration de force. Véritablement efficace ?
Lors d'un meeting préparant le séjour du président de la République, une des responsables du parti à Nouadhibou signalait à cet égard que « les TX qui vont envahir la cité juste le temps de la visite ne sont pas de la ville. » Une remarque bien sentie et on ne peut plus pertinente. Comme en pareilles circonstances, les cadres, les hommes d'affaires et les notables battront certes le rappel de leurs troupes pour démontrer au Président, leur « engagement » et leur force de frappe. Ils convoieront des cortèges transportant même des étrangers. C’est une pratique bien ancrée. Le reste attendra les prochaines élections locales dans cette ville frondeuse que le PRDS peinait à gagner. Car« ce ne sont pas les TX », avertit la responsable tantôt citée, « qui peuvent faire gagner la présidentielle ou les locales au président Ghazwani, mais les vendeuses de couscous et tenancières de petits commerces, les pêcheurs, tous les travailleurs ; en somme, la vraie population locale. »
Dans la foulée, elle accuse les responsables locaux d'être en contradiction avec le parti qui prône le renforcement de l'unité nationale et de la cohésion sociale. « Je ne vois pas ici de negro-mauritaniens ni de hartanis. Ce n'est pas normal, cette exclusion et cette marginalisation sont préjudiciables à notre nation, nous n'allons plus accepter cette situation. Tenez-le-vous pour dit ! », a-t-elle lancé au coordinateur de l’INSAF.
Toujours est-il que l'ex-Président a réussi son coup de com, démontrant qu'il garde quelque sympathie dans les cœurs de quelques mauritaniens. De quoi en tout cas agiter le pouvoir et ses forces de l'ordre qui se sont fortement mobilisées pour canaliser la foule qui accueillait MOAA…
Dalay Lam
lecalame