Selon les témoignages recueillis ce matin du vendredi 10 février 2023, sur le site des palmiers de la centrale chinoise (Socogim PS), le ministère de l’habitat aurait informé les usagers du site (environ 60 cultivateurs - trices) de sa volonté de raser le site, en donnant un délai de 15 jours aux usagers, pour déguerpir et pour inscrire leurs noms sur une liste de délocalisation vers le PK17.
La mission d’information des usagers de cette palmeraie aurait été confié au gardien des lieux qui affirme avoir contacté 59 des 60 concernés par cette décision.
20 jours après l’avis du ministère, les bulldozers sont entrés en action arrachant les palmiers et rasant toutes les plantes sur leurs parcours - malgré les protestations des quelques personnes présentes qui semblent être propriétaires de parcelles agricoles soutenus par des activistes de la société civile.
En écoutant, ce matin, leurs histoires, j’avais l’impression de réécouter une histoire similaire … celle des jardins de Sebkha…. exactement les mêmes tentatives de spoliation des terres à des fins immobilières… le même modus operandi : contamination des sources d’eau, intimidations, promesses non tenues, incendies criminelles, provocations, déchetterie ….
La premiere famille interviewée (un couple avec un bébé réfugiés sous un mbar) raconte avoir hérité d’une parcelle de leurs parents qui habitaient la kebbe (bidonville) d’en face. Ces derniers cultivaient ici pour produire, comme tous les habitants de l’époque, leurs besoins en légumes, sous les palmiers plantés ici durant les années 70, à l’instar des cultures oasiennes.
Un immense sentiment d’incompréhension, d’impuissance et d’injustice s’exprimait à travers les expressions et les déclarations de ce couple qui suivaient le massacre en direct de leur héritage (vidéo n°1).
A la question pour savoir s’ils ont des documents de propriété, ils évoquent la «loi 83/127 du 5 juin 1983 qu’ils appellent la loi de Haidalla» qui leur donnait légitimité sur ces terres.
Pour rappel, cette loi du régime des coopératives agro-pastorales - qui avait reconnu à 75 coopératives le droit d’exploiter 158 hectares dans la ville de Nouakchott - donnait aux 7.961 membres adhérents le droit à des titres fonciers définitifs (sources : Institut africain de gestion urbaine (IAGU), 2007 et Direction régionale de l’agriculture de Nouakchott (DRAN), 2014).
Autour du couple installé là depuis le matin, se formait un groupe de spectateurs, qui grossissait au fur et à mesure, composé de propriétaires, de métayers, d’ouvriers agricoles et d’activistes de la société civile engagés dans la conservation de l’environnement.
Si les motivations des uns et des autres étaient différentes, tous étaient unanimes pour exprimer leur incompréhension et leur colère devant la violence de l’opération de rasage du site.
Il y avait ceux motivés par la compensation de leurs terres qui exprimaient la peur de re-vivre des promesses non tenues - ceux qui voyait leur héritage et leur histoire violentée - ceux qui voyaient leurs revenus spoliés et ceux qui considéraient cet acte comme criminel et non justifié.
En effet, le motif invoqué par le porte-parole du ministère de l’habitat - « insalubrité du site qui ne répond pas aux normes de qualité urbaine» - est un motif totalement inacceptable pour les citoyens avertis de la ville de Nouakchott.
Vouloir à tout prix faire appliquer la décision - qui a été prise en 2011 par le conseil des ministres de l’époque - à savoir aménager 310 hectares (soit 433 parcelles de terrain de 625 m2) au niveau du PK 17 au sud de Nouakchott pour libérer du foncier dans la ville - est anachronique et en total contradiction avec les engagements pris par les hautes autorités du pays en faveur du Climat et de la sécurité alimentaire (Grande muraille verte - Contribution Déterminée Nationale - SDAU - PDU ….)
« Restaurer les périmètres agricoles en milieu urbain, végétaliser les rues, les toits … est une priorité dans toutes les cités du monde ! Pourquoi Nouakchott détruit systématiquement son patrimoine naturel même celui classé et protégé ? »
« Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement s’acharne à détruire tout ce patrimoine naturel, qui a mis un demi siècle pour se constituer, dans une capitale comme Nouakchott, qui étouffe par manque d’espaces verts » s’exclament ces jeunes citoyens venus de la cité Plage pour manifester leur opposition à la destruction des palmiers. (vidéo n°2)
« Au lieu de les préserver et de les valoriser, nous abattons les magnifiques arbres et palmiers qui ont mis des décennies d'efforts et de moyens pour s'épanouir- en une fraction de seconde- anéantissant à tout jamais l'histoire, la culture, le revenu de dizaines de familles dans cette ville. »
"Au lieu d'encourager, d'encadrer et de soutenir ces jardiniers autodidactes qui ont travaillé à mains nues, sans aucun soutien, ces terres pour en sortir de quoi nourrir leurs familles, nous détruisons leur espoirs ! (vidéo n°3). »
« Comment peut-on arracher des arbres dans un contexte de Changements Climatiques, alors que tout le monde sait que planter des arbres demeure l’unique solution pour stabiliser les sols et les protéger contre les érosions ? »
Autant de questions qui se posent aujourd’hui devant cet acte d’une rare violence qui sévit depuis le jeudi 09 février 2023.
La Citoyenne Lambda