. chezvlane



un grain de sable pour secouer la poussière...

Une photo, une histoire: Évaluation d’un fonctionnaire

Vendredi 28 Février 2025 - 13:23

Par pur hasard, je suis tombé sur un rapport de l’Inspecteur d’État datant de décembre 1977. Il s’agissait d’une simple fiche de contrôle, ne dépassant pas une page, consacrée à l’évaluation de Mohamed Vall Ould Abdel Latif, alors administrateur civil et chef de la circonscription de M’Bout.

L’inspecteur d’État le présenta comme un attaché d’administration générale, diplômé de l’École nationale d’administration, récemment recruté et en poste à M’Bout depuis environ un an. Malgré sa solide formation, l’inspecteur nota que le gouverneur n’avait pas été en mesure d’exécuter des programmes d’action bien définis, en particulier dans une circonscription marquée par des tensions tribales récurrentes. Toutefois, il releva que Mohamed Vall avait fait preuve de prudence, en maintenant une certaine distance vis-à-vis des différents groupes en conflit.
L’inspecteur loua ses qualités morales et souligna sa jeunesse – il n’avait alors que 25 ans – ainsi que son action modeste, limitée à l’essentiel en raison des moyens restreints mis à sa disposition (budget, véhicules, etc.). Il conclut que Mohamed Vall Ould Abdel Latif n’était peut-être pas l’homme idéal pour ce poste et lui attribua la note de 12/20.
Cependant, au moment de l’inspection, Mohamed Vall fut nommé gouverneur adjoint de Néma, chargé des affaires administratives. L’inspecteur considéra que cette nouvelle affectation correspondait mieux à son tempérament.
 

Administrateur compétent

Cette fiche d’évaluation faisait partie d’un rapport plus complet, couvrant l’ensemble de la mission d’inspection menée entre le 16 et le 31 décembre 1977 dans la quatrième région. Ce rapport fut rédigé par l’Inspecteur d’État Hammoud Ould Abdel Wedoud (paix à son âme) et transmis au Président de la République le 11 janvier 1978.
Par la suite, Mohamed Vall Ould Abdel Latif gravira les échelons de l’administration et poursuivra sa formation, obtenant son diplôme d’administrateur du cadre financier de l’ENA. Il occupera plusieurs postes de haut niveau : gouverneur, gouverneur adjoint, directeur au ministère de l’Intérieur, conseiller, chargé de mission, secrétaire général, président de conseil d’administration, etc.
Administrateur compétent, écrivain talentueux et homme de lettres raffiné, il reviendra sur son parcours dans plusieurs ouvrages destinés aux générations actuelles et futures, parmi lesquels Hakam M’Bout (Le préfet de M’Bout), Le Gouverneur Adjoint et Dix ans au ministère de l’Intérieur (1982-1992).

Concernant la visite de l’inspecteur à M’Bout, Mohamed Vall Ould Abdel Latif en prit connaissance – ou on la lui rapporta – et il la commenta avec son humour caractéristique et son élégance littéraire :
« Parmi mes visiteurs figurait également M. Hammoud Ould Abdel Wedoud (photo), Inspecteur d’État directement rattaché au Président de la République. Sa mission était de traquer les irrégularités et les écarts administratifs et financiers. Ses visites étaient de deux types :
• Le premier, une visite générale touchant toutes les autorités administratives. Celle-ci n’impliquait rien de particulier et ne portait aucun préjudice au responsable visité ; elle ressemblait à cette pluie fine qui, selon le proverbe, ne fait de mal à personne.
• Le second type de visite, en revanche, découlait d’accusations et de soupçons planant sur l’intégrité et la compétence du responsable inspecté. Il s’agissait alors d’une inspection à visée disciplinaire et réprobatrice, rarement porteuse de bonnes nouvelles, même si l’intéressé était innocent de tout grief. Dans l’administration, on comparait souvent les missions de l’Inspecteur d’État à celles de l’Ange de la Mort : tantôt visiteur, tantôt exécuteur.
 

Un saint ou un grand maître spirituel

La visite que je reçus appartenait à la première catégorie, puisqu’elle concernait l’ensemble des autorités de la région. L’inspecteur passa une journée et une nuit avec moi, m’interrogea sur certains dossiers administratifs, que je mis à sa disposition, sans qu’il ne formule de commentaire, ni en bien ni en mal. Nous échangeâmes ensuite sur divers sujets historiques et culturels, comme le royaume du Tekrour ou le véritable nom des îles Canaries. Je lui livrai ce que savait un jeune homme au savoir limité, bien qu’il prétendît tout connaître !
Plus tard, on me rapporta que l’Inspecteur d’État avait écrit dans son rapport que j’étais un homme de bonne moralité, conciliant dans la gestion des conflits locaux, et que la population me considérait avec satisfaction – car, après tout, elle n’attendait des gouverneurs rien d’autre que la tranquillité, que je lui avais assurée. Il concluait que je pouvais être «un saint ou un grand maître spirituel, mais que, dans une période troublée, je ne serais sans doute pas l’homme de la situation. »

L’Inspection générale joue-t-elle aujourd’hui le même rôle dans l’évaluation des fonctionnaires ?
La notation prévue par le décret relatif aux conditions d’évaluation et d’avancement des fonctionnaires est-elle réellement appliquée ?
L’appréciation générale, qui exprime la valeur professionnelle d’un agent et prend en compte son efficacité, son organisation, sa méthodologie et son parcours, est-elle toujours en vigueur ?
Qui pourrait nous éclairer ?

Ahmed Mahmoud Jemal
lecalame

chezvlane

Chroniques VLANE | énergie / mines | politique | économie | affaires religieuses | interview | société | communiqué | droits de l'homme | Actualités de l'opposition | diplomatie / coopération | ONG / associations | justice | sécurité | international | sports | Syndicats / Patronat | TRIBUNE LIBRE | faits divers | vidéos | rumeurs | ndlr | culture / tourisme | pêche | Santé | medias | conseil des ministres | actu.g | TAAZOUR






Rubriques à la une

Recherche