Yali est en détention préventive à la prison de Nouakchott, la capitale, depuis son arrestation le 24 janvier 2018. Il risque une longue peine de prison s'il est reconnu coupable de tous les chefs d'inculpation, aux termes du code pénal, de la loi sur la cybercriminalité et de la loi antiterroriste.
« Personne ne devrait être poursuivi simplement pour avoir attiré l'attention sur la détresse de sa communauté », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Si les autorités prétendent réellement qu'il s'est livré à des incitations à la violence, elles devraient donner en temps opportun à Yali et à son avocat un accès aux éléments de preuve qu'ils comptent utiliser contre lui. »
L'ordonnance de renvoi du tribunal, émise le 3 septembre par un juge d'instruction de la chambre anti-terroriste du tribunal de Nouakchott Ouest, indique que les chefs d'inculpation reposent uniquement sur les messages affichés par Yali sur le réseau WhatsApp. L’ordonnance ne précise pas le nombre ni les dates de ces messages mais affirme que Yali était actif dans un groupe WhatsApp qui comprenait environ 250 participants.
Dans des messages WhatsApp que Human Rights Watch a écoutés et qui semblent émaner de Yali, l'activiste de 43 ans dénonce le sort qui est réservé à sa communauté marginalisée des Haratines. Les Haratines sont des descendants arabophones et au teint sombre d'esclaves et constituent environ un tiers de la population de la Mauritanie. Dans ces brèves séquences, le narrateur appelle la communauté des Haratines à défendre ses droits et à résister aux élites « du système », ainsi qu'au président Mohamed Ould Abdel Aziz.
L'ordonnance de renvoi affirme que Yali a également déclaré, au sein d'un groupe WhatsApp, qu'« il faut leur montrer leurs limites, à ces chiens » et « apportez des armes de l'extérieur et je me tiendrai à vos côtés ». L'avocat de Yali, Ahmed Ely Messoud, a déclaré à Human Rights Watch qu'il ne pouvait pas confirmer ces citations car le tribunal n'avait encore communiqué à la défense aucun enregistrement vocal susceptible de faire partie des pièces du dossier.
Même s'il se trouvait que Yali ait effectivement tenu de tels propos au sein d'un groupe WhatsApp, les poursuites pour incitation à la violence ou à la haine raciale devraient être engagées dans un contexte général de respect pour la liberté d'expression, tel que l'ont défini les experts, en particulier ceux des Nations Unies, dans le Plan d'action de Rabat. La détention préventive dans l'attente du procès devrait être l'exception et non pas la norme, a déclaré Human Rights Watch.
Yali est inculpé en vertu de l'article 83 du code pénal d'avoir « [incité] les citoyens à s’armer contre l'autorité de l'État ou à s’armer les uns contre les autres ». Les articles de la loi contre la cybercriminalité qu'il a prétendument violés punissent « l'incitation à la violence ou à la haine raciale » et le fait d’avoir « insulté une personne en raison de son appartenance à un groupe qui se caractérise par la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, ou un groupe de personnes qui se distinguent par une de ces caractéristiques ». Il est également inculpé en vertu de la loi antiterroriste de 2010, qui inclut dans ses définitions d'un acte terroriste le fait « d’inciter au fanatisme ethnique, racial ou religieux ».
Des chercheurs de Human Rights Watch ont rencontré la famille de Yali, lors d'une visite à Nouakchott le 6 septembre. Ses proches ont affirmé qu'il avait jusqu'ici un casier judiciaire vierge et qu'il était la seule source de revenus de sa famille, y compris de ses six enfants.
La date du procès n'a pas encore été fixée; les tribunaux sont encore en congés d'été.
L'ethnicité et les discriminations sont des questions politiquement sensibles en Mauritanie et sont à la base de nombreuses lois contenant des dispositions très générales qui sont utilisées pour réprimer le recours pacifique à un discours critique, a souligné Human Rights Watch.
Les autorités mauritaniennes devraient réviser le code pénal, la loi sur la cybercriminalité et la loi antiterroriste, a ajouté Human Rights Watch. Elles devraient en éliminer les articles excessivement généraux et vagues qui ne sont pas conformes aux normes internationales en matière de droits humains concernant la définition d'infractions comme l'incitation à la violence ou à la haine raciale, lesquelles définissent ces infractions clairement et étroitement.
En décembre 2014, un tribunal mauritanien a condamné à mort pour apostasie un blogueur populaire, Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir, à cause d'un article de blog dans lequel il critiquait les discriminations entre castes. Bien qu'une cour d'appel ait ramené sa peine à deux ans de prison, ce qui le rendait libérable immédiatement, il est toujours soumis à une détention arbitraire dans un lieu tenu secret.
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