Le coup d’envoi de la campagne en vue du referendum du 5 Août a été donné vendredi dernier, à 0h. Partisans et adversaires du scrutin contesté rivalisent d’arguments. Les premiers plaident en faveur d’un « oui massif » aux amendements constitutionnels préconisés par le dernier dialogue politique, entre une partie de l’opposition et la majorité présidentielle, les seconds pour « faire échec » au projet gouvernemental de modifier la Constitution sans passer par les règles promulguées par Celle-ci. Sur le terrain, les uns et les autres usent de moyens disproportionnés.
Le gouvernement, qui n’entend, évidemment pas, perdre son pari de faire triompher le oui, a décidé de mobiliser l’administration et tous ses moyens, media public en tête, alors que le front du refus ne peut que tenir des meetings, dans les grandes villes, et quelques réunions de sensibilisation, pour appeler les Mauritaniens à une « citoyenneté morte », le 5 Août. En espérant un taux de participation médiocre, pour décrédibiliser le scrutin. Visiblement ce taux taraude également le pouvoir qui s’est donc engagé à mobiliser les moyens de parvenir à des scores « à la soviétique », comme le redoute Ould Bettah dont le parti, la CDN, a opté pour la participation au referendum, contrairement au Forum pour la démocratie et l’unité (FNDU) auquel il appartient. De toute évidence, le président de la République paraît en avoir fait une affaire personnelle. «Pas né pour perdre », selon ses propres dires, il a décidé de mouiller le maillot.
A en croire certaines confidences, il aurait laissé entendre que personne ne s’y engagerait, s’il ne s’impliquait pas lui-même dans la bataille. Il compte plus sur sa propre personne, « ses » réalisations, « son » gouvernement que sur « son » parti, l’UPR, dont les commissions de sensibilisation et de mobilisation risquent de peser très peu, sur le terrain, face à la détermination de ses adversaires. Ce n’est pas une nouveauté. Pour toutes « ses » élections, Ould Abdel Aziz a relégué au second plan « son » parti. La campagne référendaire, sans enjeu partisan, ne dérogera donc pas à la méthode azizienne. L’homme a également misé sur les membres de son gouvernement dont certains sont chargés de coordonner la campagne dans les moughataa, à l’instar, par exemple, d’Ould Djay à Nouakchott.
Les hauts fonctionnaires de l’Administration, les directeurs de projets et d’établissements publics sont également mis à contribution, tout comme l’administration régionale. Tous à dépenser leurs propres ressources. Si l’on en croit diverses confidences, les coordinateurs de campagne n’auraient reçu que des miettes (moins de 200 000 UM) pour leur mission. C’est pourquoi certains n’hésitent pas à déjà faire appel aux cadres des moughataa, « pour leur appui au Président » qui a entrepris, lundi 24 Juillet, une tournée à l’intérieur du pays. Naguère, les campagnes électorales constituaient d’inestimables occasions de se remplir les poches. Pas avec « le champion de la lutte contre la gabegie » réputé « très proche de ses sous », tient à rappeler un confrère du site 360.
Après une soirée de lancement de campagne marquée par des contestations et des arrestations de membres du mouvement du 25 Février, au stade de Mellah, le Président compte se rendre dans toutes les capitales régionales, pour y tenir des meetings et, éventuellement, des audiences. Il va s’employer à étaler ses réalisations et son projet pour l’avenir du pays. Mais Ould Abdel Aziz semble surtout très préoccupé par le taux de participation qu’il exige très élevé, pour affirmer, à l’opinion nationale et internationale, que l’opposition ne représente rien dans ce pays. Une rengaine, depuis Août 2008, qui atteignit son summum lors du discours de Néma, en 2014. La probable manipulation des chiffres – notamment à grands renforts de moisson de cartes d’identité – suffira-t-elle à convaincre ?
Troisième mandat, une tentation en épée de Damoclès ?
Comme lors du dernier dialogue politique de Septembre et Octobre dernier, la précampagne du referendum a été également polluée par cette histoire de troisième mandat pour le Président dont le dernier constitutionnel s’achève en 2019. Des hauts responsables, comme le Premier ministre Ould Hademine ou Ould Maham, président de l’UPR, principal parti de la majorité présidentielle, ont affirmé, publiquement, au cours de meetings à l’intérieur du pays, que « le président Aziz va briguer un troisième mandat pour parachever ses projets ». Des déclarations faisant fi du verrouillage de la Constitution (art 26), du serment sur le Saint Coran et des propos, explicites et réitérés, du Président, indiquant qu’il n’entendait pas toucher à ce point sensible de la Constitution.
Des déclarations qui ont soulevé le tollé, une fois de plus, au sein, non seulement, de l’opposition mais, aussi, de l’opinion publique en général. Comme lors du dialogue, il aura fallu un recadrage du président de la République qui aurait rappelé – conditionnel d’incertitude et de rumeurs… – à ses laudateurs et supporters qu’il ne partageait pas l’opinion de ses ministres. Une sortie en sourdine qui ne rassure guère, parce que, si telle était vraiment la volonté du Raïs, ses dociles zélotes ne piperaient mot. Aussi les observateurs et l’opposition sont-ils unanimes à juger que pour prouver sa bonne foi, le président Ould Abdel Aziz doit, purement et simplement, mettre à la porte ceux qui osent contredire sa parole, le poussent à « se dédire », comme s’y risqua le président Wade au Sénégal. Là-bas, on sait la suite. Ici, on l’attend…