Les 27 se retrouvent vendredi en sommet virtuel pour lancer les tractations, aussi complexes qu'incertaines, sur un plan de relance post-coronavirus massif, qui marquerait une étape historique dans la construction européenne.
Aucun accord n'est attendu pendant cette réunion. Elle doit avant tout permettre à chaque dirigeant européen de dévoiler ses objectifs, ainsi que ses marges de négociation, sur cette relance destinée à soutenir une économie européenne sinistrée.
"Ce sera un tour de chauffe, indispensable pour prendre la température", explique l'Elysée. En particulier celle des Pays-Bas, de l'Autriche, de la Suède et du Danemark, les quatre "frugaux" (ou "radins"), très réservés à l'égard de ce plan, qui bénéficiera avant tout aux pays du Sud.
Les Européens, qui se retrouvent à 10h00 (8h00 GMT), espèrent trouver un accord avant fin juillet afin que le plan entre en vigueur en 2021, ce qui leur laisse six semaines.
"C'est un des plus importants projets communs depuis des décennies", souligne un diplomate européen. "On peut parler de quelque chose d'historique".
La discussion portera sur la proposition de la Commission européenne d'un "instrument de relance" de 750 milliards d'euros, largement inspiré de l'initiative d'Angela Merkel et du président français Emmanuel Macron ? une alliance de poids dans le débat.
Ce fonds complète une proposition révisée de budget de l'UE pour la période 2021-2027, de 1.100 milliards d'euros, sur laquelle les Etats membres doivent aussi s'entendre.
Les 750 milliards de la relance seraient empruntés au nom de l'UE sur les marchés financiers, engendrant une "dette commune européenne", ce qui brise un tabou européen.
Sur cette somme, 500 milliards seraient redistribués dans le cadre du budget de l'UE sous forme de subventions aux pays les plus touchés par le coronavirus, comme l'Espagne et l'Italie, et 250 milliards d'euros sous forme de prêts.
"Jamais auparavant la cohésion et la solidarité n'ont été aussi importantes qu'aujourd'hui", a insisté jeudi la chancelière allemande Angela Merkel.
- "La facture aux contribuables"
Dans sa "lettre d'invitation" au sommet, le président du Conseil européen, Charles Michel, estime qu'"un consensus se fait jour" sur la nécessité d'un tel plan et sur le fait qu'il devra "être financé par des emprunts" communs.
Mais les divergences restent nombreuses, qu'il s'agisse de son montant, de sa durée, de l'équilibre entre prêts et subventions, des critères de répartition des aides, ainsi que de la délicate question d'une "conditionnalité", c'est-à-dire la contrepartie (par exemple des réformes) réclamée à un Etat en échange de ces fonds.
Partisans d'une plus grande rigueur financière, les quatre "frugaux" réclament un niveau de dépense "proportionné", beaucoup moins élevé que les 750 milliards annoncés.
Et il optent pour des prêts, que chaque Etat devra donc rembourser, plutôt que des subventions, dont les modalités de remboursement ne sont pas définies dans la proposition de la Commission.
Le Premier ministre suédois, Stefan Löfven, se dit "très critique sur le fait que l'UE devrait réunir 500 milliards d'euros (...) pour les distribuer ensuite sous forme de subventions, sans aucune obligation de remboursement, envoyant ainsi la facture aux futurs contribuables".
La Commission évoque plusieurs possibilités pour le financement de ces 500 milliards en trouvant de nouvelles ressources pour alimenter le budget de l'UE, sans augmenter les contributions nationales des Etats: élargissement des recettes collectées sur le marché du carbone européen, taxe carbone aux frontières, impôt sur l'activité des grandes entreprises ou encore un impôt sur les entreprises numériques.
Mais là encore, un compromis va devoir être trouvé entre les Etats membres.
"Si, à la fin du sommet, chacun a bien compris et écouté les autres et que l'ambition est d'aboutir avant l'été, je serai très content", affirme le diplomate européen.
Après ce premier tour de table, Charles Michel lancera des consultations en vue d'un ou deux nouveaux sommets en juillet à Bruxelles, physiques cette fois-ci.
Une rencontre réelle entre dirigeants avec ses pauses et ses apartés, est jugée indispensable pour arriver à un compromis sur une question aussi complexe, où l'unanimité est requise.
AFP/ point