Dans un contexte marqué par un retour prononcé au concept tribal traditionnel, nous assistons aujourd’hui à la prolifération excessive de comportements de faste et de gaspillage. Ces comportements dépassent les valeurs religieuses et sociales qui ont longtemps constitué le fondement de la vie communautaire avant l’avènement de l’État centralisé.
Il convient de rappeler que ces pratiques, autrefois limitées aux manifestations de joie et d’échange social lors d’évènements et de célébrations, se transforment désormais en plateformes d’étalage de richesse, de dilapidation irresponsable des deniers publics et de glorification de lignées ancestrales révolues, dans le but d’affirmer un statut ou un pouvoir et d’assurer une influence politique au détriment de la sagesse et de la rationalisté.
Lors de ces festivités, de l’argent - souvent d’origine douteuse et injustifiable - est dépensé de manière extravagante pour satisfaire les flagorneurs, les chanteurs, les effémines, les bouffons, les poètes et les débauchés. Des festins somptueux sont organisés, étalant les mets les plus raffines et divers, illustrant un éloignement préoccupant des valeurs de modération et d’équilibre prônées par les enseignements religieux et les traditions authentiques.
Plus préoccupant encore, ces pratiques ne se limitent pas à des actes individuels irresponsables, mais bénéficient souvent d’un soutien implicite, voire explicite, de la part de certains notables, chefs tribaux, figures politiques et spirituelles influentes, qui justifient ces excès en les présentant comme des coutumes ancestrales indissociables du prestige social.
Or, ces comportements vont à l’encontre des préceptes religieux qui prônent la modération dans les dépenses, l’intégrité́ des sources de richesse et la justice sociale, conformément aux commandements divins. Ils contredisent également les exigences de l’État de droit, qui requiert une gestion rationnelle des ressources et une administration plus réfléchie des biens. En réalité́, la véritable générosité́ ne réside pas dans le gaspillage ostentatoire, mais dans l’aide aux nécessiteux d’une manière qui préserve leur dignité́ et favorise la solidarité́ sociale, comme l’exige toute bonne gouvernance.
Cette tendance à la prodigalité́, au gaspillage et à l’accumulation audacieuse des richesses - souvent issues du détournement de fonds publics, du commerce de stupéfiants et du chantage politique indécent - ne reflète pas seulement un mauvais ordonnancement des priorités, mais contribue à creuser davantage les inégalités au sein d’une société́ déjà̀ marquée par une stratification aristocratique arbitraire et rigide. Tandis que certains affichent un statut social élevé́ et une fortune ostentatoire, d’autres endurent l’extrême pauvreté́ et la privation.
Le pire est sans doute que ces pratiques entrainent une érosion progressive des valeurs, autrefois fondées sur une générosité́ empreinte de sagesse et d’équilibre. Elles favorisent une course effrénée à l’accaparement des richesses publiques par des moyens frauduleux, souvent avec la complicité́ de responsables haut placés et de notables mus par des intérêts égoïstes. Par ailleurs, certaines figures spirituelles, prêtes à troquer les enseignements divins contre des gains matériels, cautionnent ces dérives sous prétexte de préserver les traditions et le prestige social. Cette situation révèle un paradoxe évident : ces pratiques vont à l’encontre des préceptes religieux tout en étant totalement déconnectées des impératifs contemporains.
Pour faire face à cette réalité́ préoccupante, il est impératif de revoir les concepts erronés qui perpétuent l’effacement du « concept d’État » au profit d’une gouvernance clanique et laxiste, et de mettre fin à la tolérance envers des dépenses excessives motivées par la corruption et la quête d’un prestige illusoire. Dans ce cadre, les intellectuels, les chefs religieux et les figures sociales jouent un rôle clé́ pour orienter la population vers des valeurs plus pérennes, respectueuses du patrimoine authentique, sans qu’elles deviennent des instruments de domination sociale, d’oppression et de décadence morale. Préserver l’identité́ culturelle doit être lié à la sagesse et à la rationalité́, et non à l’excès et aux déséquilibres structurels qui traduisent une mauvaise compréhension de l’essence même des traditions.
La responsabilité́ incombe à tous, depuis les institutions éducatives et religieuses jusqu’aux élites politiques, intellectuelles et sociales, qui doivent œuvrer à promouvoir une nouvelle conscience collective valorisant les principes authentiques, tout en instaurant une nouvelle vision de la générosité́ et de la célébration, basée sur la retenue et la mesure plutôt que sur le gaspillage et la vanité́. L’adoption d’une gouvernance éclairée et l’orientation des ressources vers un développement durable constituent la seule voie pour protéger la société́ des méfaits de la prodigalité́ et du gaspillage.
La persistance de telles pratiques ne menace pas seulement l’économie, mais fragilise également les fondements éthiques et culturels de notre société. Il est donc crucial d'engager une action collective et consciente pour promouvoir une culture de responsabilité et de modération, et raviver des valeurs nobles fondées sur la solidarité et une gestion rationnelle des ressources, plutôt que sur l’ostentation et le gaspillage inconsidéré.
L’avenir des sociétés ne repose ni sur la spoliation ni sur la dilapidation des biens, mais sur un équilibre sage dans leur rigoureuse gestion et bonne administration, afin d'assurer prospérité et stabilité pour tous.
El Wely Sidi Heiba