Dans l’affaire de Souvi Ould Cheine l’activiste des droits humains et administrateur d’une plateforme de réseaux sociaux, le verdict scientifique sur la cause de sa mort est tombé. Le célèbre blogueur mauritanien est bien mort dans un commissariat de police de Nouakchott suite à des blessures occasionnées par des violences policières.
Selon les preuves réunies par la Médecine Légale, le corps de la victime présentait une double fracture au cou mais aussi des traces de strangulation, deux éléments qui peuvent être l’un ou l’autre à l’origine des causes du décès.
Cette affaire est très préoccupante mais surtout très embarrassante pour le régime actuel, parce que le drame s’est produit dans un commissariat de police et au mauvais moment.
Par rapport donc aux conclusions du rapport médical, on ne peut pas évidemment parler de bévue policière parce que des traces de violences ont été constatées par les médecins légistes qui ont été commis pour par le Ministère de la santé pour pratiquer l’autopsie sur le corps du défunt.
La police mauritanienne. Une réputation de violence innée.
La police mauritanienne est réputée l’une des plus violentes de la sous-région. Elle hérite cette violence de la fin des années soixante-cinq, époque durant laquelle cette police s’était vue confier la mission de réprimer dans la violence aveugle des Khadihines qui constituaient à l’époque le noyau d’une petite révolution estudiantine qui donnait du fer à tordre à un parti unique décrié.
C’est cette police qui avait vous vous en souvenez réprimés les manifestants qui s’étaient déversés dans les rues de Nouakchott et de Kaédi pour soutenir les signataires du manifeste des 19. Et c’est cette même police qui avait quelques années plus tard réprimés violemment les signataires du manifeste du négro-mauritanien opprimé.
Depuis ces époques, étapes politiques dramatiques de la vie de notre nation, cette police est restée invariablement la même. Une « force du mal » qui se déchaine selon la « météo » du régime en place.
Il faut peut-être rappeler que, d’une part, cette police mauritanienne est née dans un environnement de violence et que, d’autre part, elle menait ses activités à une époque où les organisations de défenses des droits humains étaient pratiquement inexistantes.
La police mauritanienne. Ecole sous Ould Daddah, et pratique sous Ould Taya.
Les évènements survenus en 89 ont été une occasion pour la police mauritanienne de mettre en pratique toutes sortes de violences pour réprimer les negro-mauritaniens en particulier les halpoulars. A cette époque le pays tout entier était devenu une espèce de camp Nazi de Josef Mengele où toutes expériences sur la torture avaient été pratiquées sur des négro-mauritaniens dans des commissariats de police ou dans des casernes militaires isolées.
Avec l’arrivée de Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir en 2008, la police de proximité, celle des commissariats de quartiers périphériques a été abandonnée à son sort. Durant cette période les policiers (dits de Ely Ould Mohamed Vall) avaient été tellement négligés qu’ils avaient finis dans un dénuement total. La misère et la pauvreté dans laquelle baignaient les agents de police avait poussé ces derniers à ouvrir sur leurs lieux de travail des comptoirs de négoces pour la corruption et le trafics d’influences, instaurant un laisser-aller inimaginable qui, par effet de domino entravait le plus souvent le travail d’une justice déjà instrumentalisée.
Bévue de la police, crime prémédité ou accident regrettable. Quelle leçon tirer.
Ce qui est arrivé jeudi dans un commissariat de police est regrettable et surtout inadmissible. Mais même regrettable et inadmissible, il nous montre à quel point certains agents de l’ordre et de la force publique sont capables de tout, en tous lieux et en toutes circonstances.
Ce qui est arrivé était arrivé dans ce commissariat de police qui parfois, selon les riverains, ne laissait pas dormir les familles des environs à cause des cris des gardés-à-vue qui étaient tard dans la nuit, semble-t-il soumis à la torture.
Mais quoiqu’il en soit, ce qui est arrivé quel que soit sa gravité ne doit pas pousser certains d’entre nous en mal de popularité à chercher à créer un environnement de haine qui pourrait pousser à la violence, une violence qui, de toutes manières ne ressusciterait par Souvi.
Certes, les parents de soufi ont perdu leur fils à la fleur de l’âge. Certes, les forces vives de la nation, les organisations humanitaires et de Droits de l’Homme ont perdues un très grand militant des causes perdues. Mais ce qu’il ne faut surtout pas oublier c’est que le pays a perdu un citoyen, assassiné dans un édifice public par des hommes de Loi dont la première mission est de faire appliquer justement cette loi.
La mort de Souvi a plongé tous les mauritaniens, (toutes composantes ethniques confondues) en deuil, en un deuil national populaire. Même si nous ne devons pas cesser de verser des larmes tant que justice ne soit pas rendue, nous devons avant tout, pour nous tous et pour la stabilité de notre pays, faire confiance à notre justice en espérant qu’elle va secouer les glaces de son « hibernation » pour dire le droit afin que plus jamais de telles choses ne se produisent.
C’est pourquoi, ce qui reste à faire maintenant c’est plutôt de tirer une leçon de ce qui s’est passé et de faire en sorte que cette police de la violence et de la violence raciste née sous Moctar Ould Daddah, délavée sous Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, recyclée sous Mohamed Ould Abdel Aziz, accepte sous Ould Ghazouani de se reconvertir en police républicaine et qu’elle s’éloigne de cette violence endémique qui ternie son image mais qui surtout éclabousse un régime qui n’a vraiment pas le temps de gérer des crises qui n’ont aucune raison de s’inviter au moment où l’actuel gouvernement cherche pour ce pays une refondation qui peut permettre de mettre en place tous les mécanismes nécessaires pour assurer l’égalité de droit pour tous.
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant