Le Calame : Dans une récente sortie, l’inspecteur général de l’État a laissé entendre qu’après plusieurs missions d’inspection auprès des institutions publiques, son institution a relevé plusieurs irrégularités dans la gestion ; que certains responsables ont été sommés de restituer les montants détournés ; que d’autres ont été renvoyés devant la Cour des Comptes ; etc. Comment avez-vous réagi à cette sortie ? Ne s’agit-il pas d’un aveu d’échec, en dépit de la volonté politique affichée, de l’arsenal juridique existant et du précédent formé par le dossier dit de la Décennie ?
Mohamed Ould Vall : Au Nom d’Allah, Le Miséricordieux, Le Très Miséricordieux ! Nous pensons que ces déclarations sont bonnes pour informer le citoyen sur la réalité de la gestion des entreprises. Elles revêtent également la transparence requise pour démontrer les faits et préparer les mesures correspondantes. C’est la première fois, je crois, que l’IGE organise une conférence de presse de ce genre. Mais je ne pense pas que cela soit un aveu d’échec : au contraire, cela montre combien les pouvoirs publics sont déterminés à combattre la gabegie et, surtout, à communiquer les résultats. Cela prouve aussi qu’il y a des mécanismes pour identifier les cas de corruption et les responsabilités, avant de prendre les mesures adéquates contre les fautifs. Tous les pays du Monde connaissent des corruptions de ce type et ils ont institué des lois et des mécanismes pour y faire face.
- L’hivernage 2022 vient de s’installer avec déjà des inondations et beaucoup de dégâts. Le gouvernement semble décidé à atteindre l’autosuffisance alimentaire du pays. Pensez-vous que les mesures prises dans ce sens pourraient conduire à ce résultat ?
- Naturellement, si les mesures adéquates et l’encadrement nécessaire sont pris dans cette situation, nous pourrons arriver à une autosuffisance dans le domaine alimentaire, surtout que nous possédons de grands espaces cultivables non encore exploités. On sait que le président de la République a affirmé, à plusieurs occasions, sa détermination à conduire le pays au stade de l’autosuffisance dans le domaine alimentaire et que de nombreuses décisions et initiatives ont été prises dans ce cadre.
- Le président Ghazwani a bouclé, le 1er Août 2022, trois années à la tête du pays. Le gouvernement et le parti INSAV ont célébré l’évènement. Que retenez-vous, à Ravah, de ces trois ans de règne ?
- Les trois dernières années ont connu beaucoup de réalisations en dépit de nombreuses contraintes, tel le ralentissement économique mondial dont les premiers signes sont apparus avant la pandémie du Covid 19 et se sont aggravés depuis. On a ensuite déploré la guerre en Ukraine. Face à ces aléas, le pouvoir de Mohamed Ould Ghazwani a relevé avec succès beaucoup de défis dont les plus importants sont l’instauration d’un climat politique serein et inclusif qui a permis de faire face à beaucoup de crises, avec une importance sans précédent accordée à l’unité nationale ; la lutte contre la pandémie et ses conséquences négatives en plusieurs domaines, particulièrement dans les domaines social et économique ; l’augmentation considérable, pour la première fois, de la pension des retraités ; l’assurance médicale au profit de cent mille familles sans revenus ; en plus d’une augmentation de 30% des salaires des agents du secteur de la santé, l’augmentation et la généralisation de certaines indemnités du secteur de l’éducation et j’en oublie.
- Préparant les prochaines élections municipales, régionales et législatives, le ministre de l’Intérieur a rencontré les partis politiques de la majorité et de l’opposition. Au menu des discussions, les questions de la réforme de la CENI, de l’état-civil et du vote de la diaspora... Que pensez-vous de ces thématiques soumises par le MID ? Selon vous, comment réussir un scrutin inclusif et peu contestable ? Pourquoi trois partis de l’opposition se sont-ils abstenus de participer à ces débats ?
- Toute réunion entre le ministère de l’Intérieur en tant que tutelle et les partis est chose normale qui doit être poursuivie de manière permanente, même en dehors des périodes électorales. Les points exposés par le MID au cours de cette rencontre sont importants, surtout que nous sommes à la veille d’élections. La plupart des partis avaient l’intention de poser ces problèmes bien avant cette réunion en vue de leur trouver des solutions. La réforme de la Commission électorale nationale indépendante est une priorité pour qu’elle devienne une commission indépendante équidistante de toutes les parties, afin de garder indépendance et transparence requises. Quant à l’état-civil et au vote à l’étranger, le ministère s’engage, comme l’a confirmé son chef, à prendre toutes les mesures adéquates et satisfaisantes pour tout le monde. La réunion du ministère avec les partis, la prise des avis et des propositions ainsi que la consultation continue permettront sans doute le déroulement d’un scrutin consensuel. Quant au motif du boycott par les trois partis, ces derniers sont les seuls à l’expliquer.
- Comment Ravah a-t-il accueilli la hausse des prix du carburant et du transport urbain ?
- Quand la décision d’augmenter les prix du carburant a été publiée, nous étions à ce moment-là en meeting à Nouadhibou. Nous avons réclamé la composition d’une commission pour cette révision des prix du carburant et de ceux des denrées de première nécessité, afin de bien prendre en considération le pouvoir d’achat des citoyens.
- Au lendemain de cette décision du gouvernement, le président de la République a été hué au stade, lors de la finale de la Coupe qui porte son nom. Comment avez-vous réagi cet événement ?
- Sitôt élu, Le président de la République est le président de tous. Pour cela, il faut savoir l’aborder partout en tant que tel ; il est un des symboles de l’État, ne pas en tenir compte est inadéquat. Cependant de telles pratiques sont normales dans les démocraties, surtout quand elles émanent d’une minorité.
- Qu’attendez-vous du procès annoncé de l’ex-président Ould Abdel Aziz et de onze de ses proches et anciens collaborateurs ?
- Cette affaire est portée devant la justice et, moi, j’ai confiance en notre justice. Permettez-moi donc de ne pas porter de jugement sur cette affaire pendante devant nos juridictions.
- Que pensez-vous de la réforme du système éducatif ? Comprenez-vous les craintes des organisations de promotion des langues nationales, pulaar, soninké et wolof ; notamment l’Organisation pour l’officialisation des langues nationales (OLAN) dont les membres ont manifesté jusque dans l’Assemblée nationale ?
- Mon opinion est que les réformes engagées dans la dernière loi d’orientation sont importantes mais cela ne suffit pas pour que la langue officielle du pays prenne sa vraie place. Concernant les langues nationales, je suis parmi ceux qui réclament leur développement et leur enseignement afin de développer une liaison et une communication plus forte entre toutes les composantes du pays.
Je pense que les craintes des organisations sont injustifiées, surtout que cette loi d’orientation est le fruit d’une consultation inclusive sur l’éducation à laquelle ont participé tous les acteurs du secteur et les représentants de toutes les couches et de toutes les langues.
- Dans une récente conférence de presse, le député Biram Dah Abeid, président d’IRA, a révélé avoir fait l’objet de menace de mort de la part de la Présidence et du ministre de l’Intérieur. Que pensez-vous de cette déclaration ?
- J’étais surpris par cette déclaration surtout que l’intéressé était, à la date de celle-ci, en relation amicale avec le président de la République, c’est lui qui s’est entretenu avec celui-ci. Comment cette relation aurait-elle pu subitement se détériorer en menace de mort ? Ajouter à cela que l’assassinat et la menace sont loin du style du président de la République et de son entourage...
- On sait assez peu de choses du parti Ravah. Que pouvez-vous nous en dire ?
- Le parti du bien-être est un parti progressiste qui œuvre pour l’instauration d’un État national démocratique moderne, un État de Droit et de légalité qui prenne en charge le respect des droits humains, l’ancrage de la citoyenneté et l’égalité complète, garantissant ainsi l’unité de la société pour conduire celle-ci sur la voie du développement et de la justice sociale.
Le parti œuvre au renforcement des valeurs et des mécanismes démocratiques, à encourager les initiatives communautaires pour garantir la participation des citoyens aux affaires nationales et contribuer à l’établissement d’un État national fort par ses citoyens eux-mêmes. Pour conclure, je dirai simplement que le parti du bien-être jouit d’une base populaire et électorale forte ;il occupe actuellement le poste de vice-président des partis de la majorité présidentielle.
Propos recueillis par Dalay Lam
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