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un grain de sable pour secouer la poussière...

Les leçons d'un certain parcours d’Ahmed Kelly Ould Cheikh Sidiya.Par Abdelkader Ould Mohamed

Jeudi 24 Novembre 2022 - 16:38

Raconter sa vie pourrait être, apriori, perçu comme un genre littéraire des plus ordinaires car toute vie humaine, si extraordinaire soit-elle, contient une part de banalité à laquelle seuls les prophètes ayant le statut de l'infaillibilité sont censés échapper.
Mais il arrive, souvent, que les récits autobiographiques de certains auteurs se présentent aux lecteurs soucieux d'apprendre et /ou de comprendre, sous forme d'un mémorable cahier de leçons.
 

Une vielle histoire des gens des tentes (tarikh Ahl lekhiam)
 

C'est en tout cas la première impression que j'ai eu en remontant  "un certain parcours " de  Monsieur Ahmed Kelly ould Cheikh Sidiya ..
En effet, l'une des premières leçons que j'ai révisées en lisant ce récit assez bref mais indéniablement, instructif tient à une vieille connaissance que j'ai eue depuis ma  propre enfance du milieu familial  à propos duquel  l'auteur, que je n'ai pas eu l'honneur de connaître, parle dans son livre.

Encore enfant, j'avais de ce prestigieux milieu une haute idée façonnée par les inoubliables récits de ma grande tante et maman Mahjouba, fille de l'erudit Abdel Wedoud ould Ntahah ami et partisan de Baba ould Cheikh Sidiya.
Par elle, je savais presque tout sur la glorieuse vie du personnage central du récit, Abdoullah ould Cheikh Sidiya et notamment, sur la fascinante influence amicale qu'il a eu à exercer sur les familles smacid qui ont émigré de l'Adrar dans la décennie des années 40.
Aussi, je n'ai pas été  surpris d'apprendre par l'auteur que ces vaillants émigrés ont tenté d'implanter une palmeraie  à la porte du désert muet, précisément, aux alentours du puits du salut  (Ain salama).

Dans l'histoire du village  qui porte le nom de ce puits  et qui meuble, en grande partie, le récit du narrateur,  j'ai eu à relire une belle leçon tenant à histoire des gens des tentes (tarikh Ahl likhiam),  laquelle histoire constitue en soi un tableau de la société Maure traditionnelle.
Il s’agit, certes, d'un vieux monde qui s'enfonce de plus en plus dans le temps mais  qui, après tout, fait partie de notre histoire, celle de  la Mauritanie.

 De toute manière, le  tableau qui m'est  familier et dans lequel  mon  propre milieu familial maraboutique  est représenté  jusqu'au bout des ongles,  par les érudits Mohamed Ali ould Addoud et Sidi Mohamed ould Daddah cités par l'auteur, se lit, en outre, comme l'histoire d'une vielle école que le sage Abdoullah a essayé, avec un succès  inégalé, d'institutionnaliser.

L'épopée du Ma'had (institut) de Boutilimit

Sur ce point,  j'ai éprouvé, en lisant le livre de Monsieur Ahmed Kelly, le secret  sentiment  que le pouvoir politique de l'État- Nation a commis une  irréparable erreur en procédant à la fermeture de l'institut de Boutilimit.
Je suis d'autant plus porté à le croire que j'ai été parmi les premiers élèves du collège moderne qui a été installé dans les bâtiments de l'institut dissous.

Le  Ministère avait, pour l'occasion, décidé d'orienter les  admis au concours d'entrée en Sixième  du centre d'Akjoujt vers  Boutilimit.   
Quelle fut la joie de mes parents quand ils apprirent  que j'avais parmi mes professeurs, Ahmed ould Mouloud ould Daddah pour la langue arabe, Mohamed Yahya ould Addoud pour le fiqh et Ishagh ould Mohamed  ould Cheikh Sidiya (cité dans le livre ). pour les sciences du coran.
Afin de  préserver les emplois du personnel enseignant et autre  de l'institut, les autorités nous ont, ainsi, accordé le privilège inespéré d'avoir des cours spécifiques avec les grands Maîtres de la vielle école.

Mais comme l'auteur d'un certain parcours le dit, quelque part, je pense que la dissolution de l'institut de  études islamiques de Boutilimit  fondé par le grand bâtisseur Abdoullah ould Cheikh Sidiya  a  privé la Mauritanie d'un outil de prestige qui lui aurait permis de rivaliser sans complexe avec les universités d’Al Azhar, Al Qairawan et Zeytouniya.
A qui revient cette impardonnable faute ? Il se peut qu’on ne le saura jamais mais il n'est pas exclu qu'elle soit le résultat d'un complexe de modernité.
Par-delà le complexe de modernité qui aurait été à l'origine de la fermeture insensée de l'institut des études islamiques de Boutilimit, le livre de Monsieur Ahmed Kelly apporte par ce qui y a été dit expressément, une  leçon  utile sur la vie  d'une personnalité hors pair  qui a marqué  de son empreinte l'histoire de la Mauritanie.

En effet , on a tendance  de nos jours ( déficit de mémoire  nationale aidant )  à oublier le rôle, éminemment fondateur, que le grand Cheikh Abdoullah ould Cheikh Sidiya a joué dans la formation du noyau de  l'Etat Mauritanien dont il était le quasi Président durant la période de gestation.
Mais le livre  renseigne, surtout par ce qu'il laisse entendre implicitement ou plutôt par ce qu'il ne dit pas carrément, sur les événements d'un passé politique, maraboutiquement , occulté.

On sait  davantage, désormais, par l'auteur d'un certain parcours , sur ce passé, passé sous silence, qui a été marqué par la forte rivalité politique  opposant , courtoisement mais fermement , l'influent Abdoullah au  futur premier Président de la République Moktar.
On en arrive à se demander si finalement la fermeture du prestigieux institut des études islamiques n'était pas une manière bien subtile  d'effacer l'œuvre du grand bâtisseur dont l'ombre continuait de gêner le père de la Nation ?

De même il n'est pas interdit de penser que le kidnapping  politique  de l'auteur du livre nommé à peine sorti de son adolescence à tel point  qu'on le surnomma  "Ministre au biberon "  qui était, en apparence, un précieux cadeau offert au vieux patriarche, cachait, en fait, le désir, intelligemment, maîtrisé  par le Président Moktar de faire barrage à  l'ambition de Souleymane ( jeune frère de Abdoullah ) ; lequel était l'unique fils du vénérable Baba  qui avait fait l'école des Nazaréens.....

Mais tout ceci se lit à travers un voile de pudeur qu'une certaine élite boutimitoise  sait porter avec une  enviable élégance ,.
Globalement, le parcimonieux tome premier du parcours de son Excellence Monsieur le Bâtonnier Ahmed Kelly  contient les éléments d'une saga mauritanienne, pour reprendre le titre du roman  " Boutilimit " de Marcel G laugel dans laquelle défilent, tour à tour, Voltaire et le cadi Ismaël , le General de Gaulle et l'Emir Abderrahmane ould Soueid Ahmed , les chameliers  du désert et les cultivateurs de la vallée etc., et qui, de ce fait , se présente, furtivement, comme un mélange de cultures différentes tout en renvoyant une belle image tenant à la gestion de la diversité raciale et tribalo-ethnique.
Mais la  parcimonie est, particulièrement, ressentie quand l'auteur aborde certaines questions relatives  aux affaires de l'Etat et aux sujets de l'histoire politique récente qui fâchent.
(À suivre)

lecalame

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