Le 17 mai prochain la cour suprême va délivrer deux arrêts, l’un à propos du sort de Mohamed Cheikh Ould Mkheitir, militant forgeron et celui de Birame Dah Ould Abeid qu’on ne présente plus.
Il ne faut pas être devin pour savoir ce qui va arriver. Il suffit juste de connaître un peu la nature du régime, sa politique, ses intérêts et la nature des forces en présence sur le plan national et international.
Ce n’est pas pour rien que les deux affaires sérieuses pour le pouvoir ont vu leur procès et leur recours à la cour suprême se tenir dans le même intervalle et attendre un verdict définitif le même jour. L’un verra son affaire réglée de sorte à satisfaire la pression internationale et l’autre restera en prison pour des raisons internes à la Mauritanie.
En ce qui concerne Ould Mkheitir. On ne le redira jamais assez, la situation des frères musulmans et leurs alliés en Mauritanie n’est plus la même. Quand Ould Mkheitir a été arrêté, les frères musulmans n’avaient pas encore été déclarés terroristes par l’Arabie Saoudite et donc ses alliés. A l’époque, le pouvoir jouait du turban wahhabite à défaut de se laisser pousser leur barbe. Depuis les choses ont changé. En Mauritanie les islamistes radicaux se sont calmés, il faut dire qu’Aziz est l’allié d’Al Sissi qui aurait au compteur 1400 morts et 40.000 prisonniers d'opinion pour stabiliser son pouvoir après la chute de Morsi. L’Arabie Saoudite a fermé les robinets à ses anciens protégés…
De là que la reformulation de l’accusation contre Ould Mkheitir n’a réveillé aucun démon. Tout est calme pourtant cela signifie que la cour d’appel connaît mieux la charia que l’association des oulémas et tous les oulémas qui ont accusé Ould Mkheitir d’apostasie dans sa version sans appel Zendagha faisant de Ould Mkheitir un zendig, un hypocrite dont le repentir n’a aucun sens.
On n’a pas entendu le président de Tawassoul, Jemil Ould Mansour, premier parti d’opposition à l’assemblée nationale pourtant c’est lui qui a trouvé que le jeune a eu ce qu’il méritait à savoir un verdict l’accusant d’apostasie assorti de peine de mort.
Silence radio chez les islamistes. Peut-être tout simplement qu’ils ont retrouvé leurs esprits et qu’ils accusent désormais d’abord en musulmans et non en zouayas qui défendent la caste attaquée par un insolent jeune forgeron. Peut-être aussi que le pouvoir via l’association des oulémas tient les foules.
Silence donc. Requalification de l’accusation comme si le deuxième texte du repentir écrit avant l’arrestation ne peut plus être nié. Il s’agit désormais de « mécréance ». On imagine mal qu’après le repentir du jeune que tout le monde a lu, la cour suprême puisse estimer que le repentir est faux sinon la cour d’appel n’aurait pas requalifié l’accusation. Le monde de la justice sous des régimes comme les nôtres est un monde homogène…
Le jeune a payé plus de 2 ans de prison pour un texte où de l’avis de certains oulémas, il ne fait que reparler d’un débat vieux comme l’histoire de l’islam, certains estimant que les faits rapportés par l’auteur que cite le jeune n’ont jamais existé, d’autres estimant qu’ils méritent éclairages de la part des savants afin d’éviter justement les raccourcis des novices amateurs de théologie.
De plus lutter contre le terrorisme et en faire un argument de stabilité politique avec les partenaires occidentaux et terroriser un jeune pour un texte où il pose des questions auxquelles personne ne cherche à répondre, c’est difficile à tenir pour le pouvoir même si un Al Sissi malgré son compteur en terme de répression, morts ou vifs, reste fréquentable pour les alliés occidentaux sans parler de l’Arabie Saoudite qui décapite pas mal sans parler du reste.
La cour suprême ne peut donc que reconnaître le repentir de Ould Mkheitir à moins d’avoir le don de lire dans les pensées les plus profondes alors que Dieu suffit comme témoin.
Le bruit de ce repentir accepté, avec pour effet immédiat de réhabiliter le jeune militant forgeron, compensera à l’extérieur du pays la prison confirmée pour Birame Dah Abeid et Brahim Bilal Ramdane.
Birame ne peut pas être libéré avec le sommet de la Ligue Arabe qui va se tenir sous peu à Nouakchott, de là le goudron offert. Pour qui connaît Birame et son discours anti-arabe à propos d’identité h'ratine, nul ne peut l’imaginer libre quand les Arabes seront là. C’est impossible pour qui connaît ce pouvoir.
De plus, contrairement à Ould Mkheitir où la cour d’appel a requalifié l’accusation afin que la justice reste cohérente, il n’en est rien pour les accusés de l’IRA. Ils resteront en prison jusqu’au bout. D’ailleurs arrêtés le 11 novembre 2014 et condamnés en janvier 2015 à deux ans de prison, ils ont déjà purgé 2/3 de la peine au nez de toutes les organisations internationales qui soutiennent Birame prix ONU des droits de l’homme.
Avec Birame, la Mauritanie règle deux comptes, l’un avec le concerné qui a déjà été gracié une fois, l’état lui prouve qu’il n’a rien à espérer de l’étranger de sorte qu’à l’avenir il sache ce qui l’attend s’il compte encore quitter les déclarations virtuelles pour aller sur le terrain agiter les populations concernées. L’état vaincu envoie aussi un méprisant encouragement à ceux qui de l’extérieur donnent de la Mauritanie l’image d’un pays où règne l’apartheid authentique sinon pire à savoir pays de l’esclavage par excellence de sorte que sur Google c’est cela qui apparaît en premier.
L’état estime que c’est injuste vu le paysage ethnique de l’administration où quelques h'ratines ont des postes apparents à haute responsabilité jusqu’au président de l’assemblée, malgré les lois votées, les dispositions prises pour lutter juridiquement contre l'esclavage au cas où soudainement il referait surface car pour l’instant pas de condamnation...
Voilà pourquoi très certainement Birame restera en prison mais Ould Mkheitir sera libéré pour s’exiler avec le soutien des chancelleries volontaires.