Collecter de l’argent au détriment des citoyens n’a jamais été un exploit, mais plutôt une ligne rouge dans de nombreux pays. Du coup, il est surprenant de voir le premier ministre exprimer sa satisfaction, pour avoir augmenté considérablement le montant des recettes fiscales, à travers des objectifs obligatoires de recouvrement fixés par le gouvernement. Au moment où de véritables motifs de satisfaction auraient été d’avoir créé des milliers d’emplois, augmenté significativement le taux de croissance ou élargi l’accès aux services de base.
Certes, il n’y a pas d’action publique sans impôts et taxes, mais accroître la pression fiscale est une arme à double tranchant, surtout en l’absence de contrepartie, en termes de services rendus. De même, lutter contre la fraude fiscale, pour financer les investissements et réduire la dépendance du pays à l’endettement extérieur, est un objectif louable. Toutefois, il faudrait faire attention à ne pas mettre en place une politique fiscale étouffante qui représente un risque réel pour la stabilité et la cohésion sociale. En effet, la pression fiscale a été historiquement à l’origine du déclenchement de la plupart des révolutions.
En conséquence, toute politique agressive de taxation, en accentuant la pression fiscale, appauvrit et réduit le pouvoir d’achat du citoyen. Ce dernier est aujourd’hui assailli par les impôts et taxes en tous genres, à travers les innombrables prélèvements obligatoires qui peuplent son quotidien : TVA à tous les niveaux, taxe d’habitation, taxe sur le revenu locatif, impôt sur le salaire (ITS), droits de douanes, assurance auto, droits de mutation, droits d’enregistrement, impôts sur les sociétés, impôts sur les bénéfices commerciaux, contraventions, vignette automobile, taxes communales, sans parler du racket sur les nombreux checkpoints dans les villes et en dehors. Le pire est que le contribuable ne dispose pas de voies de recours pour contester l’application des taxes et doit toujours se plier aux injonctions de l’administration fiscale.
Politique contreproductive
De même, une politique fiscale inflexible est contreproductive. Elle obère les profits du secteur privé, alors qu’il créé des emplois et peine à survivre dans cet environnement impitoyable. Elle est même une incitation à l’informel. Outre le risque de décourager l'investissement, elle encourage le secteur informel, qui échappe par définition à toute taxation. Les opérateurs gagnent en effet à sous-déclarer leurs activités économiques et à ne pas formaliser leurs entreprises, amplifiant ainsi le manque à gagner pour l’Etat.
Au demeurant, l’expérience récente du pays, pendant la dernière décennie notamment, a montré qu’une politique impitoyable de taxation pourrait se transformer en un redoutable instrument de pression et de règlement de comptes.
Pour éviter de telles conséquences, le gouvernement devrait réduire la pression fiscale, à travers une politique plus intelligente, qui mise sur l’augmentation de la base imposable, plutôt que sur des taux d’imposition élevés. Cette politique pourrait également cibler les plus riches, à travers un impôt sur la fortune, et les activités polluantes, par le biais d’une taxe écologique, pour financer les initiatives de protection de l’environnement. Une telle approche serait de nature à prévenir la montée des frustrations et du mécontentement au sein de la population, porteuse de risques d’explosion sociale.
Mohamed El Mounir
Universitaire et expert international en gouvernance
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