L’article le plus sérieux écrit depuis cette annonce de la CPI est de notre ami journaliste-géographe ou géographe-journaliste, Abdoulaye Diagana qui rapporte une affaire d’expropriation manifeste, photos à l’appui dans un village du Sud. On y apprend mille préjudices qui vont de la cour de l’école du village amputée jusqu’au sort malheureux des phacochères obligés de percer cette fraîche clôture sur 2000ha dont il fut impossible au journaliste expérimenté d’en débusquer le propriétaire.
On apprend que les populations meurtries ont écrit une lettre au chef de l’état pour lui apprendre, s’il n’était pas au courant, que quelqu’un avec les moyens du génie militaire est venu rappeler Rousseau qui disait « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. »
En attendant la réponse du chef de l’état, le professeur Lo Gourmo, pour enfoncer le clou et faire frémir le pouvoir, publia à son tour un billet, commentant l’article de monsieur Diagana et l’annonce venant de la CPI.
Derrière le journaliste volontaire, le scientifique de formation n'ignore pas la portée escomptable de l’annonce de la procureure générale...
« Il s’agit d’un document interne au Bureau du Procureur, non productif d’effet juridique, sauf à l’endroit des acteurs du Bureau et des situations visées, et susceptible de modification en fonction de l’expérience acquise, de l’évolution jurisprudentielle et des textes de la Cour. »
« L’annonce de ce document a suscité une réaction d’espoir au sein des ONG de défense des droits l’homme et de la protection de l’environnement ; certains acteurs de la communauté scientifique semblent plus ou moins enthousiastes à l’annonce de ce document cadre. »
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D’ailleurs, loin de penser aux « terres mortes » mauritaniennes selon la réforme foncière de 1983, « terres mortes » signifiant qui ne sont plus exploitées par les populations même faute de moyens, la procureure pensait à ces centaines de milliers de déportés ici et là dans le monde pour que des multinationales souvent occidentales viennent piller les ressources avec le concours des puissances locales comme au Congo avec 6 millions de morts, au Cambodge avec 350.000 déplacés, pour ne citer qu’eux, ainsi que les pollutions des sols et le ravage des forêts.
Le cas du village dont parle Dr Diagana relève-il des terres mortes ? Mais même s’il ne s’agit pas de terres mortes, les populations locales qui se plaignent et qui sont rarement indépendantes des héritiers des chefferies traditionnelles, ont-elles un titre de propriété ?
Il faut croire que non, pourtant depuis l'ordonnance 83-127 du 05 Juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale :
« ART.4.-Tout droit de propriété qui ne se rattache pas directement à une personne physique ou morale et qui ne résulte pas d’une mise en valeur juridiquement protégée est inexistant. »
33 ans que l’état a tranché cette question. Qui peut aujourd’hui prétendre que telle terre lui appartient sans documents reconnus par l’état ?
Le rêve de maître Lô Gourmo et consorts d'impliquer la CPI est juridiquement mal engagé...
C'est certainement triste mais c'est ainsi.
Pour finir terminons la pensée du Rousseau annoncée plus haut :
« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, que de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne. »