
Les démons sont enchaînés pendant le mois béni de ramadan, les langues se rétrécissent, car les paroles se doivent d'être mesurées, enfin pour que le pardon soit au diapason de la tolérance que doit revêtir cette sacro-sainte période de l'année. Sans transition, en sortant de la demeure du diable à la concession de la raison, nous concédons au colonel Ould Boubacar la paternité de son opinion, suite à des propos tenus sur les réseaux sociaux. Cependant, et nonobstant le droit d'aînesse, il ne nous sera certainement pas reproché de vouloir émettre un avis contraire à la suggestion de l'ancien chef d'Etat-Major des Forces Armées et de sécurité de Mauritanie.
Au-delà des questions relatives au coup d'Etat de 2005 ou du soupçon à peine voilé sur la "mort subite" de l'ancien président Ely Ould Mohamed Vall, la question la plus pertinente qui semble d'actualité et qui, sans doute constituera la trame du débat politique national jusqu'en 2029, se rapporte à l'étiquette du futur chef de la magistrature suprême de la République Islamique de Mauritanie. Civil ou militaire ? Dans une démocratie, disserter sur la question dénote a priori d'une posture amphigourique..., puisque la compétition à l'élection présidentielle est ouverte à tous les citoyens mauritaniens qui remplissent les conditions ad hoc, dès 2029. Cependant notre ancien Cemga, Abderrahmane Ould Boubacar veut que le "pouvoir revienne aux civils", comme si depuis le 10 juillet 1978, ces derniers n’en constituaient pas moins la face cachée de l'iceberg, une sorte de collégialité ambiante, autrement tacite quant à l'exercice de ce pouvoir.
A/ Les pouvoirs d’exception : 1978-1992
De juillet 1978 au 12 décembre 1984, tous les pouvoirs militaires ont été à chaque fois manipulés par des civils. Car les querelles intestines entre les officiers membres du comité militaire étaient attisées par des politiciens civils et des courtisans sans scrupules. De 1985 à 2005, sous Maawiya, la manipulation jadis individuelle, s'est muée en interférence de groupuscules tantôt nationalistes, ou islamistes, tantôt marxisants ou "flamistes" jusqu'à l'arrivée d'une junte sans coloration politique, à savoir Aziz et Ghazwani, juste animés par un allant patriotique, au tout début en tout cas. Depuis 2019, avec le pouvoir de Mohamed Ould Cheikh Ghazwani, le pays s'est réellement démocratisé, les libertés respectées, à tel point que certains citoyens parlent d'un "excès de tolérance".
Pas du tout, Ghazwani propose un régime démocratique où chaque citoyen est responsable de ce qu'il peut apporter à son pays. Il a donné à chaque ministre, chaque militaire de haut rang, au petit fonctionnaire départemental, ou à l'élu local, la latitude de travailler en son âme et conscience. C'est un gouvernement civil qui dirige le pays depuis 2019, le président de la République esquisse les principales orientations et le Premier ministre se met au travail. Il est vrai que certains mauritaniens de bonne moralité travaillent consciencieusement pour leur pays, d'autres profitent de ce climat de sérénité pour détourner systématiquement les deniers publics, ou s'essayent à la corruption. Ghazwani ne peut mettre un bâton derrière chaque mauritanien. En tout cas le climat n'a jamais été aussi propice au développement économique et social, à la libre entreprise, à la cohésion sociale, à la liberté tout court. La balle est dans le camp des citoyens. Reste une suggestion : remplacer Taazour, ce "machin" anachronique par un système moderne de minima sociaux destinés aux familles en situation de précarité. Pour cela il faut des municipalités à la hauteur et des maires éduqués. Ce qui est loin d'être le cas en Mauritanie.
B/ L'exception mauritanienne :
La position géographique de la Mauritanie lui confère une lecture singulière. Située entre le monde arabe et le monde africain, elle a subi depuis l'indépendance et jusqu'à nos jours des tiraillements entre deux sphères socio-culturelles qui la composent, des plus rétrogrades. Un magma qui couve depuis le 28 novembre 1960, date de l'indépendance et qui a déjà accouché de 3 secousses en 1966, 1987 et 1989. La magnitude du séisme avant l'éclatement total du pays, n'est contenue que grâce à la vigilance et à la clairvoyance de nos Forces Armées et de sécurité et surtout à leur obéissance au chef de l'Etat, chef de la magistrature suprême. Le jour où ce dernier n'est plus un militaire de carrière, craint et respecté, la Mauritanie risque d'en payer le prix et il sera trop tard pour la sauver, aussitôt que les démons tenus en veilleuse des décennies durant, se seraient réveillés. En Mauritanie, la configuration socio-politique est encore au stade tribal et ethnique, chacune des parties tirant la couverture de son côté. Certes il y a des individualités civiles qui ont toujours émergé et qui sont capables de diriger, mais seulement dans un pays où les bases de données sont favorables à un Etat-Nation, et non au fédéralisme géographique ou linguistique.
Donc la proposition du colonel Abderrahmane Ould Boubacar est un trompe-l’œil, surtout au moment où la Mauritanie est confrontée à un défi migratoire sans précédent, à des entités terroristes qui écument la sous-région et qui sont responsables de l'instabilité chronique des Etats du Sahel.
En Mauritanie tant que les revendications sont à connotation ethnique ou tribale, ou plus grave à caractère épidermique, le pouvoir exécutif doit rester militaire pour mieux garantir la stabilité sociale et l'intégrité territoriale. D'ailleurs le flux migratoire que nous subissons risque de modifier notre vision comportementale, jadis tolérante à l'égard du voisin proche ou lointain, puisque la menace était jusque-là endogène. Donc les propos de l'ancien cemga Abderrahmane Ould Boubacar sont contraires à notre réalité géopolitique et à nos aspirations stratégiques. Quand il y a danger, les lanternes de la "démocratie" doivent être mises en berne. L'ensauvagement du monde a commencé avec la nouvelle administration américaine sous l'actuel locataire de la Maison Blanche Donald Trump. Le droit international n'a jamais été aussi piétiné, surtout à Gaza, depuis la seconde Guerre Mondiale. Il nous faut encore, en 2029, un président issu des rangs de l'Armée, pourvu qu'il soit juste, patriote et surtout qu'il ne soit pas porté sur l'argent, comme le président actuel, au risque d'oublier l'ossature de sa mission régalienne. Un président qui va atténuer l'éternelle révolte du Peulh et la quasi-endémique anarchie du Maure à l'égard des institutions étatiques. Car le seul régime qui sied à ces deux entités nomades, serait l'absence de tutelle gouvernementale. Or la majorité vivant dans ce pays n'a qu'un seul passeport, et il est mauritanien….
Ely Sid’Ahmed Krombelé, France
lecalame.info