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un grain de sable pour secouer la poussière...

Dialogue : Un impératif pour tous/Par Maître Mine Abdoullah, avocat à la Cour, Président de la LMDH

Vendredi 21 Mars 2025 - 19:24

Après bien des hésitations, l’incertitude, des pourparlers en coulisses qui traînent et des faux départs, enfin, les protagonistes du dialogue tant souhaité se sont engagés dans la ligne droite. Après une série de rencontres au Palais présidentiel entre le président de la République et les acteurs politiques (de la Majorité comme de l’Opposition), le Président a désigné Moussa Fall, comme Coordinateur du dialogue ; un choix que tout le monde salue, car, de par son expérience, sa capacité d’écoute, son ouverture d’esprit, il s’agit là de « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ».
 

Au moment où le pays, comme tant d’autres de la planète terre, fait face à de multiples problèmes (unité nationale, enrôlement, immigration, insécurité interne et aux frontières, etc.), tout le monde s’interroge sur les résultats auxquels on peut s’attendre à l’issue d’un tel dialogue, tant les attentes sont nombreuses et leur satisfaction reste une préoccupation majeure des citoyens. Tout le monde scrute, avec espoir mais aussi avec appréhension, ce qui peut sortir d’un dialogue si souhaité, tant son opportunité est devenue un impératif.

Aussi, l’agitation que connaît le monde (guerre Ukraine-Russie ; Offensive israélienne à Gaza avec son lot de milliers de morts et de destruction d’infrastructures ; pouvoirs militaires en Guinée, au Mali, au Burkina, au Niger, au Gabon, nouveau pouvoir au Sénégal n’ayant pas encore fini d’imprimer sa marque…), justifie que le climat politique en Mauritanie soit apaisé.

 

Confronter les idées

Pour une fois que les parties semblent animées d’un esprit de conciliation et d’ouverture, ce dialogue, avec l’espoir que tous les partis et leaders politiques y prendront part, devrait prendre à bras-le-corps toutes les problématiques et tous les problèmes saillants de nature à handicaper le développement du pays. C’est dire que ledit dialogue se doit de confronter les idées, bousculer les habitudes, les inerties et l’immobilisme qui marquent la vie politique du pays, prioriser l’analyse et la réflexion sur les objectifs à atteindre, les stratégies à adopter et les potentialités devant être mobilisées, en particulier le capital humain, les moyens financiers et matériels.

Le principal risque étant que le citoyen sombre dans le pessimisme et la déception dans un monde où le vrai, le faux et l’invraisemblable se côtoient, les participants au dialogue se doivent d’aboutir à des résultats qui permettent, demain, une meilleure connaissance pour le peuple de la direction qu’emprunte le pays, la vision politique de ceux qui gouvernent, les mesures à prendre pour trouver des solutions aux divers problèmes structurels et problématiques qui perdurent.
 

Les attentes sont nombreuses et revêtent, toutes, un caractère d’urgence. Ces attentes ne sont autres que les actes et actions qui renforcent la démocratie, assoient l’État de droit dans toute sa splendeur et contribuent au bien-être social, économique et culturel des populations. Bien entendu, ces attentes devraient transcender le simple formalisme des textes pour épouser les courbes de la réalité de tous les jours, car les notions d’égalité, de justice, d’équité, de développement seraient creuses si dans les faits le peuple n’en ressent pas le bénéfice et les retombées à court terme.

Le dialogue se doit aussi d’inscrire dans ses thèmes les moyens de raffermir le sentiment d’appartenir à une seule nation, la culture patriotique, le vivre ensemble, l’apport de tous pour le façonnement d’un pays réellement indépendant, prospère et stable culturellement, socialement et politiquement.
 

Autant ce dialogue doit aborder, sans tabou ni langue de bois, tous les sujets qui préoccupent les Mauritaniens, autant il doit être inclusif et ouvert ; ses conclusions devront être prises en compte et mises en œuvre par qui-de-droit.

De façon non exhaustive et non limitative, le dialogue devra porter sur la Loi fondamentale et les possibles modifications qui pourraient lui être apportées ainsi que le respect des lois et règles de la République. D’autres thèmes d’importance concernent l’unité nationale ternie par des passifs non encore définitivement soldés (aussi bien humanitaire qu’économique) ; la problématique de l’esclavage (et ses séquelles), sujet polémique qui doit être pris à bras le corps, sans surenchère ni désinvolture, puisque malgré les textes édictés et les tribunaux spéciaux dédiés à cette problématique, certaines ONG des droits de l’homme continuent de dénoncer son existence ; réforme foncière et domaniale, etc.

 

Priorité à l’unité nationale

 

Le système éducatif reste inadapté et les multiples réformes n’ont jusque-là pas apporté de solution tangible. Ce système, qui manque d’uniformisation, contribue à la division des citoyens : écoles privées pour les riches et école publique pour les pauvres. Aujourd’hui, malheureusement, le manque de niveau est tel qu’on assiste à un nivellement aussi bien par le haut que par le bas. Et la place des langues nationales dont un projet de loi est déjà rédigé ne semble pas mettre d’accord tout le monde.
 

Aussi, la lutte contre l’extrémisme (qu’il soit religieux ou autre) doit-elle être renforcée et une attention particulière doit être portée à la justice dont l’indépendance est sujette à caution et elle souffre de plusieurs autres maux : lenteur, difficulté d’exécution des décisions, manque de spécialisation, garantie de l’égalité de traitement de tous, trafic d’influence, favoritisme.

A cela, il faut ajouter une administration qui, le moins que l’on puisse dire, est qu’elle est malade et a besoin d’un diagnostic sous forme d’inventaire de tous les maux qui rongent ce corps métastasé, lequel diagnostic révélera sûrement le laisser-aller, les atermoiements et les fausses thérapies du passé. Le mal s’est enraciné ; mieux, il a généré une vraie gangrène qui a comme noms la gabegie, la corruption, la démotivation, le sureffectif, le gaspillage, l’absentéisme, l’hyper centralisation, l’inefficacité des contrôles existants, le népotisme, la lenteur, l’opacité, l’autoritarisme, l’absence d’évaluation.
 

Ce qui est attendu de ce dialogue tant souhaité, c’est aussi :
 

- La prise en compte de la société civile qui doit être perçue comme un partenaire devant être associé à l’animation de la vie nationale ; elle joue un rôle de veille et d’éveil et elle est une sentinelle de défense des droits et de la démocratie qui considère que l’homme est l’alpha et l’oméga, le moyen et la fin de tout processus. Devant, le moment venu, se tenir à égale distance des antagonistes, la société civile peut apporter à ce dialogue une précieuse contribution ;

- La recomposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de façon consensuelle ;

- Renforcer l’institution dédiée au recouvrement des biens spoliés et/ou mal acquis par l’adoption de tout mécanisme pouvant aider à la bonne gouvernance et la lutte sans merci contre la corruption.

Quelles que soient les divergences des uns et des autres, le dialogue souhaité ne saurait porter que sur l’essentiel, à savoir le renforcement de l’unité nationale et la cohésion sociale.

 

Une feuille de route consensuelle

A ce titre, ce dialogue doit aboutir à l’adoption d’une feuille de route consensuelle qui fixe les bases d’une démocratie apaisée, d’un climat social serein et d’une coexistence pacifique, car la Mauritanie nouvelle qu’on veut bâtir passe nécessairement par l’instauration d’un dialogue ouvert, inclusif et élargi à toutes les familles politiques, dans le respect de l’opinion et des choix de chacun afin de préserver le pays de l’appel des mauvaises sirènes ; ce qui suppose la rupture avec l’étroitesse d’esprit, le chauvinisme, l’esprit du clan ou de la tribu. Cela suppose surtout l’ouverture, la tolérance, l’acceptation de l’autre, avec comme priorité la solution aux problèmes cruciaux que connaît le pays.
 

Mais, faut-il le souligner à l’endroit des parties devant participer au dialogue et à l’attention de l’opinion que, malheureusement, l’échiquier politique (à une exception près) est miné par une élite dont le souci principal renvoie à son esprit égoïste et mercantile par lequel cette élite s’accapare des potentialités du pays, tout en réduisant l’idéologie et l’action politique à une simple stratégie de combines et de combinaisons désastreuses sur tous les plans pour la bonne marche de la nation. Cette élite, acculturée et asociale, spécialiste du discours fourre-tout, ne contribue point à la promotion d’une politique bien pensée et d’une culture qui redonne fierté au citoyen ; hélas, elle s’occupe plus des faits divers et des accessoires que de l’essentiel, c’est-à-dire le débat d’idées et la réflexion. Cette élite est coupée de son milieu naturel, pivotant autour d’un chef parfois parachuté et imposé, attendant par son soutien privilèges et promotion. Cette élite-là ne crée pas de biens, elle n’œuvre pas pour le social ; au contraire, elle s’accommode remarquablement bien des exigences du pouvoir.

Tout comme il faut préciser à l’endroit des détenteurs du pouvoir que, de nos jours et au vu des nombreuses attentes des citoyens, les réformes nécessaires envisagées ne sauraient se suffire du simple rafistolage.
 

C’est aussi pour se prémunir des méfaits de cette élite que le dialogue en perspective devrait poser les jalons d’une stabilité ne devant pas se résumer à la seule absence de troubles, de coups d’État mais plutôt une stabilité où la bonne santé des populations est une priorité, l’instruction est dispensée à tous, que tous disposent d’eau potable, d’électricité, de nourriture décente ; où l’homme jouit du respect, est vêtu et bien logé dans un État de droit garant du devenir de tous et de tout un chacun.
 

En conclusion, on se doit de saluer cette volonté d’aller au dialoguer, avec l’espoir que les résultats soient à la hauteur des attentes car il ne servirait à rien que les parties (opposition au sens large, gouvernement ou partis qui le soutiennent) ou le peuple mauritanien, par extension, versent dans l’entêtement, la contestation permanente, les voies sans issue de la part de l’opposition et le passage en force du pouvoir.

La démocratie et l’Etat de droit ne sauraient progresser, s’enraciner sans le dialogue et le consensus.
lecalame

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