Idoumou est membre de l’Association des écrivains mauritaniens d’expression française, vice-président de l’Association mauritanienne pour la francophonie, et professeur à l’Université de Nouakchott. De son vrai nom Idoumou Mohamed Lemine Abass, il signe par son prénom parce que ses œuvres de fiction n’engagent que lui, dit-il. Après la presse, et un engagement politique qu’il affectionne, cet amoureux de la littérature et de la langue française affiche désormais une régularité littéraire par ses publications. Coauteur en 1992 du Guide de la littérature mauritanienne, une anthologie méthodique et en 2016 de l’Anthologie de la littérature mauritanienne francophone, Idoumou est auteur de deux romans aux Éd Langlois Cécile : Igdi, les voies du temps (2015) et Le Fou d’Izziwane (2016).
Vous êtes aussi critique littéraire. Alors, comment se porte la littérature mauritanienne ?
La littérature mauritanienne écrite en français est actuellement en pleine expansion, bien que le statut de la langue française ait été fortement affecté, ces dernières décennies, par la polarisation linguistique dont je viens de parler. L’existence d’une littérature qui utilise cette langue comme outil de création est en elle-même un signe de vitalité du mouvement francophone dans le pays. Nous assistons à l’émergence de nouveaux auteurs et la publication de plus en plus de textes de belle facture littéraire. Le Festival littéraire "Traversées Mauritanides", organisé chaque année depuis 2010, à Nouakchott avec et dans certaines régions, est souvent l’occasion de découvrir ces nouveaux auteurs et ces nouvelles œuvres, et d’ouvrir la littérature mauritanienne en langue française sur le monde.
On peut dire que cette littérature est dans une dynamique d’évolution qui n’est pas sans surprendre, vu le contexte politique et culturel en Mauritanie. Et je pense qu’elle va continuer sur cette lancée. Surtout que l’obtention par certains auteurs mauritaniens de prix internationaux (Feu Moussa Diagana, avec sa pièce La légende du Wagadu vue par Sia Yatabéré primé par RFI dans les années 1990 et Beyrouk prix Kourouma en 2016 pour son roman Le tambour des larmes…) est de nature à élargir son public, aussi bien en Mauritanie que dans les pays francophones et ailleurs dans le monde.
Qu’est-ce qui explique la faible présence des voix féminines dans notre littérature ?
En littérature, il ne peut être question de parités et de quotas. Moi je trouve que la poésie mauritanienne est dominée aujourd’hui par deux voix féminines : Bata Mint El Bara en langue arabe et Mariem Derwich en langue française. Ces deux poétesses, à elles seules, donnent une présence remarquable de la femme mauritanienne en littérature, en termes de force du verbe et de l’image, d’originalité des formes, d’engagement et de pertinence des sujets. Et, en tant que responsable de l’édition à l’Association des écrivains mauritaniens d’expression française, je peux vous dire que j’ai déjà lu plusieurs manuscrits de mauritaniennes qui, je l’espère, seront publiées un jour.
Vous êtes membre de l’Association des écrivains d’expression française et de l’Association mauritanienne pour la francophonie, professeur à l’Université et au CREL où vous n’enseignez qu’en français. Quelle place et statut, en Mauritanie, attribuez-vous à la langue française et que représente-elle pour vous ?
J’ai abordé cette question de la langue plus haut, en parlant, notamment, du système éducatif. La question linguistique en Mauritanie est malheureusement au cœur de grandes mystifications et manipulations identitaristes, utopistes et surannées. Le français, en Mauritanie, n’est pas une langue d’aliénation, tout comme l’arabe n’est pas une langue d’hégémonie ou le pulaar et le soninké des parlers primitifs appelés à disparaitre. Ce n’est même plus une langue étrangère, comme les autres, parce qu’il fait désormais partie du patrimoine linguistique mauritanien qui, j’insiste de nouveau là-dessus, est pluraliste et diversifié. Le français est la deuxième langue d’enseignement en Mauritanie, et c’est une langue d’ouverture sur le voisinage et sur l’espace francophone, dont notre pays est partie intégrante. C’est une langue de littérature écrite, qui donne à la Mauritanie une présence et une voix, en Afrique et dans d’autres continents. Et c’est une très belle langue.
Vous êtes, aussi, un acteur politique, pour avoir été Conseiller principal à la présidence de la République, sous la présidence de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi en 2008, et militant dans de précédents régimes. Quelle lecture faites-vous de la situation politique du pays, et de l’unité nationale ?
La Mauritanie a connu, ces dernières années, des pratiques autocratiques qui ont profondément ruiné la politique nationale et étrangère, la morale, l’économie, la culture... Tout ! Et l’unité nationale a évidemment souffert de la règle de gouvernance qui semble avoir été privilégiée durant cette période : diviser pour régner. Ainsi, en plus des sources de lézardes héritées des mauvaises politiques de régimes précédents et de l’instrumentalisation de la diversité de notre peuple à des fins politiciennes, sans rapport avec les intérêts des populations, de nouveaux axes de discorde ont vu le jour, des particularismes contraires à la cohésion nationale ont été exacerbés et certaines injustices commises ou non réparées ont clivé davantage la société.
Depuis l’investiture du Président Mohammed Ould Cheikh El-Ghazouani, le pays est gouverné autrement et la menace d’implosion, qui était réelle, semble pour le moment écartée. Le climat politique actuel laisse espérer que des problèmes jusque-là traités par des calmants, s’ils n’étaient pas tout simplement ignorés, trouvent des solutions durables, surtout en ce qui concerne l’unité nationale. Les députés viennent, par exemple, de créer une commission chargée de promouvoir les langues nationales.
Ce qui augure d’une volonté de trouver une issue au contentieux né des errements de la politique linguistique du pays depuis l’indépendance. On note également un intérêt nouveau pour la culture, le ciment véritable de notre peuple et, en même temps, la richesse inépuisable, grâce à laquelle notre pays peut se tailler une place dans le cercle des nations. Souhaitons que cette tendance se poursuive et que les Mauritaniens puissent, enfin, en profiter pour se départir de leurs contradictions, consolider leur unité et œuvrer main dans la main pour le développement de leur pays.
Propos recueillis par Bios Diallo
lauthentic.info
Vous êtes aussi critique littéraire. Alors, comment se porte la littérature mauritanienne ?
La littérature mauritanienne écrite en français est actuellement en pleine expansion, bien que le statut de la langue française ait été fortement affecté, ces dernières décennies, par la polarisation linguistique dont je viens de parler. L’existence d’une littérature qui utilise cette langue comme outil de création est en elle-même un signe de vitalité du mouvement francophone dans le pays. Nous assistons à l’émergence de nouveaux auteurs et la publication de plus en plus de textes de belle facture littéraire. Le Festival littéraire "Traversées Mauritanides", organisé chaque année depuis 2010, à Nouakchott avec et dans certaines régions, est souvent l’occasion de découvrir ces nouveaux auteurs et ces nouvelles œuvres, et d’ouvrir la littérature mauritanienne en langue française sur le monde.
On peut dire que cette littérature est dans une dynamique d’évolution qui n’est pas sans surprendre, vu le contexte politique et culturel en Mauritanie. Et je pense qu’elle va continuer sur cette lancée. Surtout que l’obtention par certains auteurs mauritaniens de prix internationaux (Feu Moussa Diagana, avec sa pièce La légende du Wagadu vue par Sia Yatabéré primé par RFI dans les années 1990 et Beyrouk prix Kourouma en 2016 pour son roman Le tambour des larmes…) est de nature à élargir son public, aussi bien en Mauritanie que dans les pays francophones et ailleurs dans le monde.
Qu’est-ce qui explique la faible présence des voix féminines dans notre littérature ?
En littérature, il ne peut être question de parités et de quotas. Moi je trouve que la poésie mauritanienne est dominée aujourd’hui par deux voix féminines : Bata Mint El Bara en langue arabe et Mariem Derwich en langue française. Ces deux poétesses, à elles seules, donnent une présence remarquable de la femme mauritanienne en littérature, en termes de force du verbe et de l’image, d’originalité des formes, d’engagement et de pertinence des sujets. Et, en tant que responsable de l’édition à l’Association des écrivains mauritaniens d’expression française, je peux vous dire que j’ai déjà lu plusieurs manuscrits de mauritaniennes qui, je l’espère, seront publiées un jour.
Vous êtes membre de l’Association des écrivains d’expression française et de l’Association mauritanienne pour la francophonie, professeur à l’Université et au CREL où vous n’enseignez qu’en français. Quelle place et statut, en Mauritanie, attribuez-vous à la langue française et que représente-elle pour vous ?
J’ai abordé cette question de la langue plus haut, en parlant, notamment, du système éducatif. La question linguistique en Mauritanie est malheureusement au cœur de grandes mystifications et manipulations identitaristes, utopistes et surannées. Le français, en Mauritanie, n’est pas une langue d’aliénation, tout comme l’arabe n’est pas une langue d’hégémonie ou le pulaar et le soninké des parlers primitifs appelés à disparaitre. Ce n’est même plus une langue étrangère, comme les autres, parce qu’il fait désormais partie du patrimoine linguistique mauritanien qui, j’insiste de nouveau là-dessus, est pluraliste et diversifié. Le français est la deuxième langue d’enseignement en Mauritanie, et c’est une langue d’ouverture sur le voisinage et sur l’espace francophone, dont notre pays est partie intégrante. C’est une langue de littérature écrite, qui donne à la Mauritanie une présence et une voix, en Afrique et dans d’autres continents. Et c’est une très belle langue.
Vous êtes, aussi, un acteur politique, pour avoir été Conseiller principal à la présidence de la République, sous la présidence de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi en 2008, et militant dans de précédents régimes. Quelle lecture faites-vous de la situation politique du pays, et de l’unité nationale ?
La Mauritanie a connu, ces dernières années, des pratiques autocratiques qui ont profondément ruiné la politique nationale et étrangère, la morale, l’économie, la culture... Tout ! Et l’unité nationale a évidemment souffert de la règle de gouvernance qui semble avoir été privilégiée durant cette période : diviser pour régner. Ainsi, en plus des sources de lézardes héritées des mauvaises politiques de régimes précédents et de l’instrumentalisation de la diversité de notre peuple à des fins politiciennes, sans rapport avec les intérêts des populations, de nouveaux axes de discorde ont vu le jour, des particularismes contraires à la cohésion nationale ont été exacerbés et certaines injustices commises ou non réparées ont clivé davantage la société.
Depuis l’investiture du Président Mohammed Ould Cheikh El-Ghazouani, le pays est gouverné autrement et la menace d’implosion, qui était réelle, semble pour le moment écartée. Le climat politique actuel laisse espérer que des problèmes jusque-là traités par des calmants, s’ils n’étaient pas tout simplement ignorés, trouvent des solutions durables, surtout en ce qui concerne l’unité nationale. Les députés viennent, par exemple, de créer une commission chargée de promouvoir les langues nationales.
Ce qui augure d’une volonté de trouver une issue au contentieux né des errements de la politique linguistique du pays depuis l’indépendance. On note également un intérêt nouveau pour la culture, le ciment véritable de notre peuple et, en même temps, la richesse inépuisable, grâce à laquelle notre pays peut se tailler une place dans le cercle des nations. Souhaitons que cette tendance se poursuive et que les Mauritaniens puissent, enfin, en profiter pour se départir de leurs contradictions, consolider leur unité et œuvrer main dans la main pour le développement de leur pays.
Propos recueillis par Bios Diallo
lauthentic.info