Trois membres du bureau du collectif des rescapés militaires (COREMI) des événements 89-91 ont été reçus, lundi à midi, par le représentant du Haut commissariat des droits des Nations Unies à Nouakchott. Une étape importante du plaidoyer que ces victimes mènent, pour obtenir réparations des exactions commises à leur encontre, lors des évènements de 1989-1990.
Durant près deux heures d’horloge, Sall Abdallahi, vice-président de COREMI, Lam Amadou, secrétaire général, et Bâ Ciré Harane, chargé des relations intérieures, ont brossé, au représentant des Nations Unies, entouré de quelques membres de son staff, l’historique du dossier dit « passif humanitaire » relatif aux exécutions extrajudiciaires commises dans les casernes contre les militaires négro-africains : fondation du collectif des rescapés en 1991, pour faire valoir les droits des victimes et des rescapés rayés des corps ou intégrés sans indemnités, après leur sortie de prison ; journées de concertation, sous le magistère du président Sidi ould Cheikh Abdallahi, élu en 2007 ; suivies d’un accord visant à régler le dossier par la justice transitionnelle, via la fondation d’une commission paritaire (victimes et Etat) de suivi du processus, à l’image de celle mise au place au Maroc ou en l’Afrique du Sud. Malheureusement, déplore Sall Abdallahi, le gouvernement avait ensuite préféré mettre en place une commission ministérielle dirigée par un général de l’armée, chef d’état-major particulier du chef de l’Etat.
Interrogé sur le nombre de victimes des exactions, l’ex-sergent Sall avance alors le chiffre de 513 officiers, sous-officiers et hommes de troupes mais, souligne-t-il, « d’autres vont au-delà ». Et de rappeler qu’au terme de son travail, la commission ministérielle avait proposé des aides sociales à 273 veuves et des pensions proportionnelles –« une aberration », selon Sall – puis l’Etat a fait traîner le dossier. « Ces hommes n’avaient en rien enfreint le règlement militaire », plaide encore le vice-président de COREMI, « le pays n’était pas guerre mais ils n’en ont été pas moins torturés puis assassinés et ensevelis dans des fosses communes, pour les uns ; révoqués de l’armée, pour les autres. On voulait tout simplement les éliminer, à cause de leur origine ethnique ». Autre catégorie lésée, ajoute-t-il, celle des « militaires réintégrés dans l’armée, à leur sortie de prison en 1991 : ils ont été emprisonnés et torturés, mais n’ont bénéficié d’aucune réparation ».
Régularisation des intégrés et amélioration des pensions
« La commission interministérielle décida d’octroyer, à chaque veuve d’officier, deux millions d’ouguiyas (MRO) et un terrain ; 1,8 million et un terrain, pour chaque veuve de sous-officier ; 1,6 million et un terrain, pour les autres ; laissant sur le carreau, les intégrés de 1987 à 1993. », détaille encore Sall, « une situation qu’il faudrait rapidement régulariser ».
Au terme de leur exposé, les responsables de COREMI se sont dits ouverts au dialogue, pour l’amélioration des pensions et la régularisation des réintégrés, mais réfutent toute solution imposée sans les victimes. Venus rapporter, au Calame, leur rencontre, ils ont dit avoir noté une oreille attentive, de la part de leur interlocuteur qui n’a pas manqué de leur exprimer sa disponibilité à contribuer au règlement de ce douloureux dossier.
Rappelons que depuis le renouvellement de son bureau, COREMI n’a cessé d’organiser des sit-in pour réclamer ses droits qu’il estime bafoués. Les membres du collectif se plaignent en outre d’être harcelés, dans les sociétés où ils travaillent, par divers de leurs camarades en relation avec certaines officines.