En avril 1989, un différend frontalier entre la Mauritanie et le Sénégal avait dégénéré en violences intercommunautaires. Plus de 60 000 Mauritaniens avaient alors fui vers le Sénégal et le Mali. En fait, le conflit a servi de prétexte à une vaste épuration ethnique en Mauritanie. Les classes dirigeantes arabes et berbères ont expulsé manu militari la population noire d’origine peule. D’une pierre deux coups : d'une part, le pouvoir a éliminé une opposition militante bien représentée chez les fonctionnaires et, d’autre part, a mis la main sur des terres très convoitées le long du fleuve Sénégal. Un fleuve que la population noire a été priée de traverser au plus vite.
Au moment de l’exil, cette population s'est dispersée sur l’autre rive, le long de la vallée du fleuve Sénégal, sur 280 sites. De tous temps, les populations de chaque côté de cette frontière naturelle ont tissé des liens, d’où le nombre important de ces points de chute, souvent liés à des liens familiaux.
Pas de terres à cultiver
Aujourd’hui, et malgré les opérations de rapatriement, ils sont encore plus de 14 000 Mauritaniens à vivre dans des camps au Sénégal et autant au Mali.
Parmi ceux qui sont retournés au pays, des milliers vivent dans une situation très précaire, malgré l’accord de rapatriement signé en 2007. Le programme piloté par le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) a permis le retour de plus de 24 000 Mauritaniens et s‘est achevé en 2012.
Il prévoyait des actions de réinsertion "dans les domaines du logement… ainsi que dans le cadre de projets agricoles ou d’élevage et de programmes générateurs de revenus", comme l’expliquait alors le HCR. Pourtant, tous n’ont pas été rétablis dans leurs droits. Certains, notamment, n’ont pas pu récupérer de terres et vivent dans un grand dénuement.
Sans papiers
Les 14 000 Mauritaniens qui sont encore au Sénégal ne sont pas mieux lotis. Ils vivent dans des camps de réfugiés, notamment celui de Thiabakh dans la ville de Richard-Toll, au bord du fleuve Sénégal. Plusieurs milliers souhaiteraient acquérir la citoyenneté sénégalaise, ce qui n’est pas si simple, de l’aveu même du HCR. "Il s’agit de constituer les documents et c’est un problème épineux parce que la plupart d’entre eux sont arrivés sans aucun document. Certains ont aussi eu des enfants qu’ils n’ont pas déclarés", reconnaît la représentante de l’organisme onusien.
Quant à la vie quotidienne, c’est un combat de tous les jours. "Depuis que je suis enfant, je vis dans la pauvreté, sans travail, sans soutien", confie une réfugiée âgée de 30 ans à Amandla Thomas-Johnson, journaliste du site internet Middle East eyes.
Une vie de misère
Les aides de la Croix-Rouge et celles des Nations unies n’étaient pas éternelles. Et sans elles, la vie s’est très vite avérée une épreuve. Les terres ne donnaient rien. Et faute d’argent, les enfants n’ont pas été, ou très peu, scolarisés. L’engrenage classique de la misère.
Le peu de travail qu’il y a, les hommes vont le chercher dans une plantation privée à des heures de marche. Selon le bon vouloir des responsables, ils peuvent ou non, couper de l’herbe ou ramasser du bois mort qu’ils vendront pour une misère.
Régulièrement les associations de défense de ces réfugiés tirent la sonnette d’alarme. Elles réclament en particulier l’obtention de papiers pour tous. Beaucoup sont en effet en situation irrégulière et ne peuvent donc pas chercher un travail. Quant à ceux qui veulent rentrer en Mauritanie, faute de papiers, leur citoyenneté ne leur est pas reconnue.
francetvinfo