Je traduis dans ce texte mon espoir personnel de patriote et de citoyen éloigné des querelles politiques et libéré du service public depuis 2007.J’aime ce pays que j’ai vu naitre et je me réjouis chaque fois que les mauritaniens se parlent et posent des actes qui les unissent.
L’antagonisme très marqué entre l’opposition et la majorité depuis 1992 tend aujourd’hui vers une "paix des cœurs".
Cela a commencé par des marques inédites d’égards protocolaires, lors des invitations adressées par Le Président de la République aux chefs des partis de l’opposition pour assister aux cérémonies nationales. Cette attention sans précédent a continué à se renforcer, notamment après la seconde invitation faite par le Président aux chefs des partis, pour des entretiens ouverts et sans tabous. L’idée d’un dialogue a été lancée, mais s’est heurtée ultérieurement à des divergences dont je ne connais pas la nature, sans toutefois parvenir à rompre les rencontres, qui s’étaient poursuivies directement ou indirectement. Finalement l’agenda électoral s’est imposé à tous les acteurs du spectre politique national.
Tous les partis de l’opposition et de la majorité ont été conviés à des réunions sur la préparation des futures consultations électorales. Ils se sont entendus très tôt sur les questions essentielles mais certains partis avaient soulevé des conditions qui leur semblaient importantes. Le Ministère de l’intérieur a discuté avec les partis qui avaient émis des réserves ; discussions qui ont abouti a un accord.
Finalement, l’adoption par tous les partis du document a mené a un nouveau dégel des relations momentanément crispées, entre la majorité et l’opposition.
J’ai toujours eu de bonnes relations avec tous les acteurs politiques. Je pense que notre pays qui jouit déjà de la paix à ses frontières, doit s’atteler à renforcer son front intérieur. Cet objectif passe nécessairement par l’apaisement de la scène politique en rassemblant les différentes tendances autour d’un consensus national minimal.
Je me permets de mettre à jour un texte écrit il y’a quelques années sur les mœurs politiques postindépendance. J’espère qu’il sera lu et qu’il serve à éclairer certains qui font tous pour maintenir un affrontement permanent entre les acteurs politiques du pays. La politique est un art. Ceux qui veulent y réussir doivent avoir les qualités suivantes :’’une force tranquille’’, un esprit prospectif, une grande capacité d’écoute et en tout temps le sens de la mesure.
DES EXEMPLES VÉCUS DES MŒURS POLITIQUES POST-INDEPENDANCE.
Devenu adulte j’ai côtoyé des personnalités publiques qui avaient été les responsables de ces partis politiques postindépendance. Cela m’a permis de corriger mon regard d’enfant et d’apprendre toutes ses étapes difficiles par lesquelles ils sont arrivés à s’unir pour créer la Nation mauritanienne. PAIX A L’AME DE CES PATRIOTES SINCERES CONSCIENCEUX qui nous ont fait ce legs.
Après de multiples affectations dans tous les recoins de ce pays, mon père, Rahimehou Allah, sera de 1952 jusqu’à son départ à la retraite en avril 1960, en service dans le cercle de l’Adrar, qui était le plus grand centre de la pratique politique en Mauritanie. Atar était la ville la plus urbanisée du pays à cause de l’importante base française qui s’y trouvait.
Nous venions de port-Etienne, actuel Nouadhibou. Avant nous avons fait : Tichitt où je suis né le 3 mars 1949, Boutilimit, Mederdra, Rosso et Nouakchott.
Dans le cercle de l’Adrar, nous avons commencé par le poste d’Aoujeft, cette partie de la Mauritanie réputée par ces très belles oasis et ses habitants extrêmement aimables, et où nous nous sommes fait beaucoup d’amitiés. Mon père, accompagné de quelques gardes et le cadi y assuraient ce que l’administration française appelait « la police nomade ».
Ayant fait mes études coraniques et ma première année scolaire à Chinguetti, nous revînmes à Atar, où j’ai fait la plus grande partie de ma scolarité primaire. Mes parents se déplaçaient souvent avec mon père dans les autres postes du cercle. Notre séjour a Chinguetti a été joyeux et paisible. Nous y avons fait de multiples amitiés parmi celles qui restent toute une vie.
Je logeais donc chez mon oncle maternel, receveur principal de la grande poste d’Atar et chef local de la Nahda et son épouse, responsable de sa section féminine. Le domicile était à moins de 800m du mythique rond-point d’Atar où se tenaient tous les meetings des différents partis. A Atar J’étais en classe de CE1 et j’avais pour promotionnaires le futur ministre Haibetna Ould Sidi Haiba, Abderrahmane Ould Ahmedou, futur chirurgien, Abdallahi Ould Dhmine, futur entrepreneur des BTP et El Marhoum Tourad Ould Deida, qui sera mon collègue a la BCM. Mes excuses aux autres élèves de ma classe, car ceux que j’ai cité seulement sont ceux qui étaient avec moi sur les deux tables proches de la porte de sortie de la classe.
Les adultes disaient de moi que j’étais un garçon précoce, curieux et désireux de tout connaitre. Je venais souvent écouter les discours de tous ceux qui prenaient la parole aux meetings, peu m’importe le parti concerné.
Le rond point d’Atar se trouve en face de l’ancien commissariat de police, tenu par un vieux commissaire chauve, portant de grosses lunettes. Dés le début du rassemblement, il consignait son effectif à l’intérieur des bureaux et de temps en temps, venait en personne à la porte. Pendant quelques minutes, il jetait un regard sur la foule et l’orateur avant de retourner à son bureau. Il avait toujours un sourire un peu moqueur sur les lèvres.
Pour des gens comme moi, qui ont connu les mœurs politiques post- indépendance, ils ne peuvent que s’étonner du changement des mentalités et des mœurs politiques actuelles.
On est très éloigné des discours courtois et respectables des hommes et des femmes qui militaient à la NAHDA, au PRM, à l’ENTENTE, au BDOG, à la JM, et à l’USM… etc.
Le discours politique n’était teinté d’aucune forme de haine, ni d’injure à l’endroit des autres partis, de leurs chefs ou de leurs militants. Il portait uniquement sur les orientations des partis, leur positionnement par rapport au référendum de 1958, prévu par la Loi-cadre et les modalités de fixation de la date de l’indépendance.
Une fois les meetings finis, tous ces adversaires d’un moment se retrouvaient dans toute leur diversité, chez l’un ou l’autre, en fonction des relations personnelles.
Le Premier Ministre et vice-président du conseil du gouvernement venait souvent en Adrar, puisqu’il était conseiller élu de la circonscription de Chinguetti. Jamais durant ses tournées, ni lui, ni sa délégation n’ont été pris à partie, à titre personnel par un orateur des meetings des partis, même de la part de ceux qui lui sont très hostiles.
L’Exécutif avait pris soin d’engager des discussions secrètes avec l’ensemble des partis. Il a promis, dès la proclamation de l’indépendance, d’organiser une table ronde avec tous les partis dont la finalité serait de former un Gouvernement d’Unité Nationale. Il tiendra sa promesse.
Durant ses séjours, le Premier Ministre recevait tout le monde, partisans et adversaires. Ces mœurs politiques vertueuses et responsables feront que les mauritaniens viendront unis, à la fête du 28 Novembre 1960.
Si je réactualise ce texte c’est que je m’en tiens à ce qu’Allah le Tout Puissant a recommandé aux musulmans dans son Saint Coran de faire dans de tels cas : Rappeler : {وَذَكِّرْ فَإِنَّ الذِّكْرَى تَنْفَعُ المُؤْمِنِينَ} [سورة الذاريات : 55] ،
Et rappelle, car le rappel profite aux croyants _ sourate Dhariyatt _ verset 55.
Brahim Salem ould Elmoktar ould Sambe dit ould Bouleiba
Septembre, 2017