Vous venez d’assister aux "Voix d’Orléans" où vous avez participé à une table ronde sur la liberté de la presse. Quelle est votre vision de cette liberté actuellement?
Aujourd’hui, il est difficile de parler de la liberté de la presse à cause de l’infiltration des réseaux sociaux et de l’importance donnée à "l’instantané". On fait la course au scoop et au sensationnel… Il devient difficile de discerner la vérité de la fake news. Informer est une chose, diffuser la "bonne" info, c’est autre chose. L’information n’est plus utilisée pour alerter mais pour faire du sensationnel. Certains organes de presse gardent encore un esprit professionnel mais il faut rester prudent et ne pas tomber dans le piège de l’instrumentalisation. Certains États et lobbies utilisent encore la presse pour garder leur suprématie ou détourner l’information.
Comment aider les populations à acquérir un esprit avisé et critique?
En développant la culture. La culture domine toutes mes activités. Celles que je réalise avec l’association des Traversées Mauritanides, que j’ai créée en 2006. Celles que je développe aujourd’hui en tant que directeur de la Formation au ministère de la Culture et de l’Artisanat.
Quels sont les projets que vous avez concrétisés?
Depuis 2010, j’organise les Rencontres littéraires des Traversées Mauritanides qui rassemblent des écrivains et des personnalités de la culture de Mauritanie mais aussi des pays limitrophes tels que le Sénégal, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et le Mali. Depuis, nous avons aussi invité des auteurs du monde entier. L’invité d’honneur de la dernière édition était le franco-marocain Tahar Ben Jelloun, ancien prix Goncourt. L’an passé, c’était l’écrivaine ivoirienne Marguerite Abouet. Ces noms attestent de l’importance et de la notoriété de ce festival. Le matin, les écrivains rendent visite aux jeunes dans les écoles et l’après-midi, ils participent à des conférences. L’objectif est de donner aux enfants l’envie d’ouvrir des livres et pourquoi pas, de susciter des vocations.
Aujourd’hui, il est difficile de parler de la liberté de la presse à cause de l’infiltration des réseaux sociaux et de l’importance donnée à "l’instantané". On fait la course au scoop et au sensationnel… Il devient difficile de discerner la vérité de la fake news. Informer est une chose, diffuser la "bonne" info, c’est autre chose. L’information n’est plus utilisée pour alerter mais pour faire du sensationnel. Certains organes de presse gardent encore un esprit professionnel mais il faut rester prudent et ne pas tomber dans le piège de l’instrumentalisation. Certains États et lobbies utilisent encore la presse pour garder leur suprématie ou détourner l’information.
Comment aider les populations à acquérir un esprit avisé et critique?
En développant la culture. La culture domine toutes mes activités. Celles que je réalise avec l’association des Traversées Mauritanides, que j’ai créée en 2006. Celles que je développe aujourd’hui en tant que directeur de la Formation au ministère de la Culture et de l’Artisanat.
Quels sont les projets que vous avez concrétisés?
Depuis 2010, j’organise les Rencontres littéraires des Traversées Mauritanides qui rassemblent des écrivains et des personnalités de la culture de Mauritanie mais aussi des pays limitrophes tels que le Sénégal, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et le Mali. Depuis, nous avons aussi invité des auteurs du monde entier. L’invité d’honneur de la dernière édition était le franco-marocain Tahar Ben Jelloun, ancien prix Goncourt. L’an passé, c’était l’écrivaine ivoirienne Marguerite Abouet. Ces noms attestent de l’importance et de la notoriété de ce festival. Le matin, les écrivains rendent visite aux jeunes dans les écoles et l’après-midi, ils participent à des conférences. L’objectif est de donner aux enfants l’envie d’ouvrir des livres et pourquoi pas, de susciter des vocations.
"J’ai écrit parce que j’avais besoin d’exprimer des situations qui m’étaient insupportables"
Vous êtes vous-même écrivain et poète. Quels sont les thèmes qui vous inspirent?
J’ai écrit parce que j’avais besoin d’exprimer des situations qui m’étaient insupportables. En 1989, un conflit entre la Mauritanie et le Sénégal a fait de nombreux morts. Il y a eu des déplacements de communautés vers le Sénégal et le Mali. J’étais jeune et mes ouvrages étaient des cris de révolte. J’ai rédigé un recueil de poèmes, "Les pleurs de l’arc-en-ciel", en mémoire des Noirs et des Blancs tués. Pour moi, un homme mort est un mort de trop, quelle que soit sa couleur de peau. Toutes les communautés ont pleuré. La Mauritanie ne méritait pas ça. Plus tard, d’autres évènements ont entraîné l’emprisonnement et la mort de nombreux Mauritaniens. Un drame qui a inspiré mon deuxième livre, "Les os de la terre". Puis j’ai écrit un troisième livre, "Une vie de sébile", sous la forme d’un roman, un style que je considère plus accessible que la poésie. Tout ça pour dire que nous pouvons tous vivre ensemble et en paix. C’était aussi une manière de dire: on nomme les choses pour qu’elles ne se reproduisent plus. Par la suite, j’ai publié un ouvrage sur Aimé Césaire, que j’ai eu la chance de rencontrer en Martinique, en 2002. J’avais réalisé une interview où il était question de la négritude et que j’avais appelée:"Quand petit nègre rencontre grand nègre". J’ai ensuite participé à des livres traitant des questions migratoires et des conflits au Mali.
L’écriture fait partie de votre vie. Elle vous a permis de découvrir le monde, et notamment la France…
J’avais écrit un article sur le poète congolais Sony Labou Tansi que j’avais ensuite envoyé à l’une de ses amies, directrice des Francophonies en Limousin. Le texte lui a plu. Elle m’a alors invité à participer à leur festival. J’ai découvert la France… et j’y suis resté 10 ans. J’y ai poursuivi mes études à la Sorbonne, puis j’ai collaboré en tant que journaliste à la Nouvelle Afrique et Afrique magazine. J’ai aussi participé à des évènements littéraires et je me suis impliqué dans le secteur social.
En 2006, vous revenez en Mauritanie. Pour quelle raison?
Au départ, j’étais revenu pour des vacances… Sur place, je me suis aperçu du faible intérêt des jeunes pour les livres. Il y avait aussi une méconnaissance de la littérature mauritanienne, pourtant en plein essor, de la part des élèves. Je me suis dit que je serais plus utile dans mon pays qu’en France. Pendant quatre ans, j’ai animé une émission littéraire sur la télévision locale tout en dirigeant l’association Traversées Mauritanides. En 2010, j’ai organisé la première édition du festival des rencontres littéraires. En octobre 2018, j’ai ouvert une maison de quartier à Nouakchott (capitale de la Mauritanie NDLR) dédiée à la culture et aux actions sociales. Une bibliothèque, des espaces de rencontres et de découverte des nouvelles technologies sont mises à disposition de la population.
La Mauritanie est finalement peu connue en France. Pourriez-vous nous la présenter?
C’est un pays charnière entre le sud de l’Afrique et l’Afrique du nord. Entre l’entité arabe et l’entité africaine. Aussi, les cultures sont très différentes d’une région à l’autre, avec de nombreux peuples: Wolofs, Soninkés, Maures, Peuls, Bambaras… tous se retrouvent dans cet espace géographique multiculturel. C’est un pays de brassage.
J’ai écrit parce que j’avais besoin d’exprimer des situations qui m’étaient insupportables. En 1989, un conflit entre la Mauritanie et le Sénégal a fait de nombreux morts. Il y a eu des déplacements de communautés vers le Sénégal et le Mali. J’étais jeune et mes ouvrages étaient des cris de révolte. J’ai rédigé un recueil de poèmes, "Les pleurs de l’arc-en-ciel", en mémoire des Noirs et des Blancs tués. Pour moi, un homme mort est un mort de trop, quelle que soit sa couleur de peau. Toutes les communautés ont pleuré. La Mauritanie ne méritait pas ça. Plus tard, d’autres évènements ont entraîné l’emprisonnement et la mort de nombreux Mauritaniens. Un drame qui a inspiré mon deuxième livre, "Les os de la terre". Puis j’ai écrit un troisième livre, "Une vie de sébile", sous la forme d’un roman, un style que je considère plus accessible que la poésie. Tout ça pour dire que nous pouvons tous vivre ensemble et en paix. C’était aussi une manière de dire: on nomme les choses pour qu’elles ne se reproduisent plus. Par la suite, j’ai publié un ouvrage sur Aimé Césaire, que j’ai eu la chance de rencontrer en Martinique, en 2002. J’avais réalisé une interview où il était question de la négritude et que j’avais appelée:"Quand petit nègre rencontre grand nègre". J’ai ensuite participé à des livres traitant des questions migratoires et des conflits au Mali.
L’écriture fait partie de votre vie. Elle vous a permis de découvrir le monde, et notamment la France…
J’avais écrit un article sur le poète congolais Sony Labou Tansi que j’avais ensuite envoyé à l’une de ses amies, directrice des Francophonies en Limousin. Le texte lui a plu. Elle m’a alors invité à participer à leur festival. J’ai découvert la France… et j’y suis resté 10 ans. J’y ai poursuivi mes études à la Sorbonne, puis j’ai collaboré en tant que journaliste à la Nouvelle Afrique et Afrique magazine. J’ai aussi participé à des évènements littéraires et je me suis impliqué dans le secteur social.
En 2006, vous revenez en Mauritanie. Pour quelle raison?
Au départ, j’étais revenu pour des vacances… Sur place, je me suis aperçu du faible intérêt des jeunes pour les livres. Il y avait aussi une méconnaissance de la littérature mauritanienne, pourtant en plein essor, de la part des élèves. Je me suis dit que je serais plus utile dans mon pays qu’en France. Pendant quatre ans, j’ai animé une émission littéraire sur la télévision locale tout en dirigeant l’association Traversées Mauritanides. En 2010, j’ai organisé la première édition du festival des rencontres littéraires. En octobre 2018, j’ai ouvert une maison de quartier à Nouakchott (capitale de la Mauritanie NDLR) dédiée à la culture et aux actions sociales. Une bibliothèque, des espaces de rencontres et de découverte des nouvelles technologies sont mises à disposition de la population.
La Mauritanie est finalement peu connue en France. Pourriez-vous nous la présenter?
C’est un pays charnière entre le sud de l’Afrique et l’Afrique du nord. Entre l’entité arabe et l’entité africaine. Aussi, les cultures sont très différentes d’une région à l’autre, avec de nombreux peuples: Wolofs, Soninkés, Maures, Peuls, Bambaras… tous se retrouvent dans cet espace géographique multiculturel. C’est un pays de brassage.
"Si elle veut conserver sa place sur l’échiquier international, la France doit rester LA patrie des droits de l’homme"
Les Arabes l’appellent le "pays au million de poètes". Pourquoi ce penchant pour la poésie?
Il est vrai que la poésie fait partie de nos rythmes quotidiens. On déclame des poèmes en toutes circonstances: dans les églises, dans les soirées… C’est aussi un moyen de contourner certains interdits: les élèves d’écoles coraniques les utilisaient à l’intention de l’être aimé. Certains intellectuels s’en servaient aussi pour transcender des interdits, en utilisant des tournures poétiques pour ne pas dire ouvertement les choses et risquer des sanctions.
Quel regard portez-vous sur la France d’aujourd’hui?
La France essaie de s’adapter comme elle peut à une crise mondiale et identitaire. Le danger serait que des leaders politiques tombent dans le piège du populisme. Il faut rester prudent sur les questions liées à la religion et à l’immigration et éviter toute instrumentalisation. Parler de l’immigration comme la cause des problèmes des Français est un faux-fuyant. La présence d’immigrés n’ajoute rien au mal-être des Français. Il ne faut pas les leurrer en leur disant que leur malheur vient des gens qui arrivent dans leur pays. Tenir ce discours, c’est dresser les peuples les uns contre les autres. La vraie question à se poser est: comment offrir du travail aux populations. La France a toujours été une grande nation par sa diversité culturelle, son ouverture au monde, ses idéologies et son respect des droits de l’homme. C’est sa carte d’identité. Si elle veut conserver sa place sur l’échiquier international, elle doit rester LA patrie des droits de l’homme.
Pour conclure, quels sont vos projets à venir?
Nous commençons déjà à préparer les prochaines Rencontres littéraires des Traversées Mauritanides qui se tiendront en décembre 2019. Ce sera sans doute l’occasion de continuer à évoquer les questions migratoires qui sont toujours d’actualité. En tant que directeur de la Formation au ministère de la Culture et de l’Artisanat, je vais développer des ateliers d’écriture, de théâtre et de communication au sein de la nouvelle Maison des quartiers à Nouakchott. Nous mettons aussi en place des formations pour les journalistes et les écrivains, en lien avec des écoles françaises d’Orléans, de Nantes et de Paris. Je vais aussi bientôt publier un recueil de poésies consacrées aux conflits en Afrique, aux questions religieuses et identitaires. Je ne lésine pas sur les moyens qui peuvent rapprocher les peuples africains, maghrébins et européens car le monde est un village: tout le monde est concerné!
source postcastjournal.net