Le Calame : Vous avez décidé de participer au dialogue politique lancé, le jeudi dernier, 29 septembre. Au cours de votre discours à la séance inaugurale, certains participants vous ont hué. Quelle appréciation vous faites de ce geste hostile? Comment avez-vous trouvé la réaction du président de la République ?
Ba Alassane Soma, dit Balas : Nous avons décidé de prendre part à ce dialogue car nous estimons qu’il n’est pas de notre intérêt d’opter pour la politique de la chaise vide. Notre pays traverse depuis plusieurs années une crise multidimensionnelle et le dialogue devenait jour après jour une nécessité impérieuse. Ce n’est donc pas un hasard si le président de la République en personne, face à la crise politique qui devenait de plus en plus aigue, s’est vu obligé de lancer un appel pour l’ouverture d’un dialogue national inclusif.
Malheureusement, une partie de l’opposition n’a pas voulu répondre à l’appel du président, quant à nous, au parti mauritanien du concret, Arc-en-ciel, nous avons jugé qu’il serait plus sage de prendre part à ce dialogue, surtout après avoir évalué l’importance de cet événement qui devait nous permettre de mettre sur la table l’ensemble des problèmes qui concernent notre pays. Donc, pour nous, le jeu en valait bien la chandelle.
S’agissant de l’incident intervenu lors de la cérémonie d’ouverture et qui a vu certains frères arabes se comporter de manière inamicale en voulant m’empêcher de parler, je trouve qu’il s’agit de personnes qui ont décidé de protester sans même savoir pourquoi. Ils auraient dû nous écouter avant de réagir de la sorte car ce que nous avions souligné à leur sujet est à leur avantage. C’était donc un incident malheureux qui a été vite clos. Durant les journées du dialogue, nous avons eu l’occasion d’avoir des face à face avec tous nos interlocuteurs et notamment les plus extrémistes d’entre eux. Nous nous sommes finalement découvert les uns les autres, nous nous sommes serrés la main, fait des accolades ; nous avons fait des photos ensemble. Nous nous sommes engagés à nous voir régulièrement ; bref, nous avons fraternisé et enterré la hache de guerre.
Des frères arabes, blancs et noirs nous ont manifesté leur soutien franc et sincère et certains ont promis de s’engager à nos côtés pour faire triompher la paix et la justice au profit de toutes les composantes de notre peuple.
Et pour ce qui est de l’attitude du président de la République après ce fameux incident, nous n’oublierons jamais et continuerons à apprécier à sa juste valeur l’attitude courageuse et encourageante du président Ould Abdel Aziz à la lecture de notre discours et notamment, le fait qu’il s’est levé à la fin de notre mot en guise d’approbation et de respect.
Ne craignez-vous que ces réactions ne viennent polluer l’atmosphère de ces assises et empêchent ainsi un débat sérieux sur certaines questions qui fâchent et que vous avez évoquées dans votre discours ?
La réponse est non. Comme j’ai déjà eu à le souligner, cette attitude de certains de nos frères arabes résultait d’une incompréhension profonde, attisée par l'absence de communication. Les mauritaniens sont éloignés les uns des autres mais, avec ce dialogue, nous avons constaté un rapprochement salutaire. Nous nous sommes frottés les uns aux autres et finalement le courant est bien passé et ce pour le bonheur de tous. Certes dans les ateliers, l’atmosphère est parfois houleuse, mais on a fini par s’accepter et tout se déroule merveilleusement bien.
Et croyez-moi toutes les questions évoqués dans mon discours ont été débattus de long en large dans les différents ateliers. Et, à notre niveau à Arc-en-ciel, nous avons produit un document bien étudié dans lequel nous avons consigné toutes nos recommandations. Ce document a été distribué à tous les participants.
Pensez-vous que ce dialogue permettra à la Mauritanie de solder la crise ou la tension politique consécutive au putsch d’août 2008 ? Ne craignez-vous pas que ce dialogue ne serve de prétexte à l’actuel président pour modifier la Constitution qui limite le mandat présidentiel à deux ?
Ce dialogue porte sur tous les problèmes majeurs du pays. C’est un dialogue national inclusif qui n’occulte aucun sujet si tabou soit-il.
Sur le plan politique, des propositions ambitieuses ont jusque là été avancées par les uns et les autres, et j’ose espérer qu’il en sortira quelque chose de positif.
Quant à la modification de la constitution, il en est bien question comme prévu par la feuille de route qui a fixé la thématique du dialogue.
Mais cette modification ne devrait pas concerner les mandats même si depuis quelques jours, les partisans du pouvoir se mobilisent dans ce sens et orientent les débats au niveau de l’atelier concerné par les réformes constitutionnelles.
Ces manœuvres dilatoires ont été dénoncées par toute l’opposition dialoguiste en bloc qui a mis en garde le pouvoir de s’immiscer dans le déroulement du dialogue.
Le PMC Arc-en-ciel a publié lundi un communiqué dans ce sens manifestant ainsi sa désapprobation.
Diriez-vous à vos amis du FNDU et du RFD qui ont boycotté ce dialogue qu’ils ont raté une bonne occasion ? Les arguments qu’ils ont évoqués ne vous paraissent-ils pas convaincants ?
Ceux qui ont refusé d’aller au dialogue ont certainement leurs raisons, je crois que c’est à eux de vous répondre. Quant à nous, nous croyons au dialogue et j’avoue que nous avons été agréablement surpris par le comportement du pouvoir qui a traité avec nous d’égal à égal.
C’est ainsi qu’au finish, nous menons le dialogue conjointement et en parfaite harmonie. Au niveau de toutes les commissions, nous-je veux dire l’opposition-nous sommes représentés de manière paritaire et nous nous considérons comme des partenaires à part entière de ce dialogue.