Le président de la république, Mohamed ould Abdel Aziz, semble n’avoir pas tiré profit de son intervention en Gambie. Pendant ce tepmps, les relations avec le Maroc continuent de s’empirer, celles avec le Sénégal prennent la tasse et les rapports avec le Mali se distendent. Le nouveau président gambien est plutôt penchant du côté du Sénégal pour plusieurs raisons.
Est-ce ce qui a valu à l’ambassadeur mauritanien en poste à Banjul, Bâ Ousmane, d’être muté à Washington? D’aucuns estiment qu’il s’agit plutôt d’une promotion, l’ambassade de Washington étant sans commune mesure avec celle de Banjul.
La décision est tombée exactement deux jours après le retour du président Ould Abdel Aziz de Gambie où il était convié aux festivités marquant l’anniversaire de ce pays. Reçu avec froideur, le président n’aurait pas apprécié… La crise entre Nouakchott et Banjul semble être dorénavant ouverte. Le président Ould Abdel Aziz s’attendait à un traitement de faveur vu le rôle qu’il a joué en décantant la crise post électorale gambienne. C’est tout le contraire qui s’est passé. A l’aéroport, le rais a été accueilli par la vice-présidente de Gambie alors que la veille, son homologue du Sénégal était reçu en grande pompe par le président Adama Barrow en personne.
A la tribune officielle, le président n’eut droit qu’à de brefs propos d’amabilités avec Barrow qui a multiplié les échanges avec Macky Sall, son invité d’honneur. Ayant aidé au départ du
président Djammeh, « sans que la moindre goutte de sang n’ait coulé » (refrain de la presse publique mauritanienne), Ould Abdel Aziz -qui considérait avoir autant fait sinon mieux agi que son voisin du Sénégal qui lui, avait opté pour la solution militaire, devait rapidement se rendre compte que ses hôtes avaient une autre appréciation de la situation.
Le nouveau régime de Banjul considère qu’il doit tout à Dakar. C’est en effet la
diplomatie sénégalaise qui a d’emblée fait du départ de Diammeh, battu aux suffrages, « son affaire personnelle », saisissant à propos, les Nations Unies et la CEDEAO. C’est aussi Dakar qui a abrité la cérémonie de prestation de serment du nouveau président et qui lui offert par la suite, résidence et protection.
En fait, si la presse publique à Nouakchott a longtemps tonné saluant l’intervention du président Ould Abdel Aziz dans cette crise, ailleurs, le ton est autre…
Pour les nouvelles Autorités gambiennes comme pour la presse de ce pays, cette intervention s’expliquerait par les relations particulièrement cordiales qu’entretiennent le président mauritanien et l’ex-président de la Gambien. Pour l’opinion gambienne, il s’agissait d’une action d’exfiltration, donc, d’un « acte de sauvetage qu’un ami apporte à un ami ».
Des appréciations légitimes au vu de l’attitude de Nouakchott dans la crise en Gambie : on se rappelle que la Mauritanie a d’abord pris du temps avant de reconnaitre les résultats des suffrages présidentiels consacrant la défaite de Diamé. Plus tard, par la voix de son ministre porte parole, le gouvernement mauritanien s’engagera à donner son avis sur la question
(alors qu’il s’y était prononcé).
C’était après que le président sortant se soit rétracté, exigeant de nouvelles élections. In
fine, alors que les armées de la CEDEAO s’apprêtaient à lancer l’assaut en direction du Palais
présidentiel occupé par Diamé, Ould Abdel Aziz intervint, obtint un nouvel ultimatum et
s’engagea aux côtés de son homologue de Guinée dans de nouvelles discutions. Nombreux
sont les Gambiens qui considèrent que le temps avait été ainsi donné au président sortant, de vider les caisses de son pays avant de s’envoler pour un asile à l’étranger.
Manifestement très mal à l’aise lors du cérémonail, Ould Abdel Aziz fera vite
de revenir le même jour à Nouakchott, ramenant avec lui, son ambassadeur Ba Ousmane
qu’il nommera deux jours plus tard, à la fonction d’ambassadeur à Washington. Pour
nombre d’observateurs, il s’agit de représailles.
Nouakchott ne veut plus de la Gambie. Ayant vu son influence dans ce pays fondre comme neige au soleil, elle semble avoir entamé son « retrait », même au prix des énormes intérêts économiques de citoyens mauritaniens dans ce pays. L’ancien ambassadeur n’a pas été remplacé. Et tout porte à croire que le fauteuil risque de connaître le même sort que celui de Rabat, vacant pendant près de cinq ans du fait d’une crise diplomatique entre la Mauritanie et le Maroc.
Conséquence collatérale de la crise gambienne, les relations entre Nouakchott et Dakar ne
sont pas au meilleur de leur forme. Ould Abdel Aziz n’a pas digéré d’avoir été doublé en
Gambie par le président sénégalais, qui, à l’occasion, lui inflige une belle revanche… Dakar ne considérait-il pas Nouakchott comme le plus grand soutien de Djammeh, alors considéré comme le protecteur des rebelles de Casamance ? C’est dans ce contexte qu’il faut inscrire les récents incidents de pêcheurs sénégalais survenus dans les eaux maritimes mauritaniennes. C’est aussi dans ce cas qu’il faut placer la décision prise par les deux pays de rapatrier au Sénégal, les pêcheurs sénégalais dont certains ont fait plus de cinquante ans en Mauritanie.