L’ancien premier ministre, Yahya O. Hademine qui était auditionné mardi par le tribunal chargé des dossiers de la décennie, a dit qu’il était personnellement visé en raison de ses nombreuses inimitiés résultant de sa lutte contre la corruption alors qu’il était premier ministre, notant que son procès était celui d’une personne qui a combattu la corruption.
Ould Hademine répondait aux accusations portées contre lui après avoir été interrogé par le juge sur sa participation à des crimes économiques dont notamment le détournement des deniers publics, le trafic d’influence, l’enrichissement illicite et abus de pouvoir, des accusations sans fondement selon lui et qu’il rejette dans leur totalité.
L’ancien premier ministre a fermement défendu son cursus professionnel depuis la fin de ses études en 1979, au cours duquel il a occupé de hautes fonctions 40 ans durant.
Il a précisé qu’il avait d’abord été ingénieur de maintenance à la société industrielle et minière (SNIM) où il a occupé différentes directions dont 5 ans à la direction des achats de la société, puis directeur général de différentes succursales de la SNIM, 9 ans comme ministre et premier ministre avec un revenu mensuel de plus d’un million d’ouguiyas alors que les ministres ne percevaient que 100.000 ouguiyas seulement.
« Ce parcours, a-t-il ajouté, je l’ai réussi sans médiation ni intervention de qui que ce soit mais seulement grâce à mes compétences et mon sérieux dans le travail ».
« Ce parcours, s’il était donné à un autre mauritanien, lui aurait permis de faire partie des plus grandes fortunes du pays » a-t-il encore dit avant de rappeler sa « déclaration de patrimoine très claire dont notamment une maison obtenue en 1994 grâce à un prêt de la SNIM, une autre maison très modeste obtenu en 2013 grâce à mes décomptes au départ à la retraite de la SNIM soit 24 millions et je dispose d’une autre maison à Nouakchott dont certaines dettes ne sont pas encore payées ».
Ould Hademine, le deuxième accusé dans le dossier de la décennie a encore dit qu’il s’est toujours demandé pourquoi il comparaissait devant le tribunal considérant que des transgressions ont été portées contre lui.
Il a ajouté que la création de la commission d’enquête parlementaire était une bonne initiative et qu’elle doit demeurer, avant de dire qu’en ce qui concerne cela beaucoup de dysfonctionnements sont apparus après sa constitution, car il s’est avéré que deux de ses membres sont impliqués dans des dossiers de corruption et deux autres des antécédents de corruption et trois des opposants cinglants au gouvernement auquel j’appartenais.
Il a évoqué des transgressions commises par la commission parlementaire quant au choix des dossiers et j’ai été personnellement ciblé.
Il citera pour l’exemple le dossier de la construction de l’aéroport de Nouakchott qu’il avait signé en sa qualité de ministre de l’équipement et des transports aux côtés du ministre de l’économie qui me précède dans l’ordre de préséance.
Celui-ci n’a pas comparu devant le tribunal et pourtant je détiens une copie de l’accord entre le gouvernement et la société Nejah, préparée depuis 2010, avant mon arrivée au ministère.
Ould Hademine a rappelé qu’il est ingénieur dans le domaine qu’il connait parfaitement bien, avant de préciser que la Mauritanie avait un besoin criant pour un aéroport celui existant est inadéquat aussi bien en ce qui concerne l’espace que le lieu, car se trouvant en centre-vile.
Il a ajouté qu’ils ont reçu différentes offres de sociétés russes, allemandes et chinoises qui demandaient des financements de près d’un milliard de dollars pour la construction d’un nouvel aéroport, un montant qui ne pouvait être prélevé sur le budget de l’état car notre capacité ne dépassait pas deux cents millions de dollars.
Il a fermement défendu cet accord en sa qualité de ministre de l’équipement et des transports, « la meilleure a-t-il dit dans le pays », se déclarant surpris d’être le seul convoqué dans ce dossier et pas l’ancien premier ministre qui était en place à l’époque.
Interrogé sur la fusion entre ATTM et ENER, ould Hademine a dit qu’il est nécessaire de comprendre la nature des deux sociétés, la première appartenant à la SNIM et dont l’objectif était de l’intégrer dans le tissu économique du pays.
L’ancien premier ministre a déclaré qu’il avait été convoqué en 2016 par le président Mohamed O. Abdel Aziz qui l’a informé qu’il étudiait la fusion entre les deux sociétés, une idée dit-il à laquelle je me suis opposé dans un premier temps, avant de l’adopter, partant du principe que les deux sociétés sont mauritaniennes.
Yahya O. Hademine a ajouté qu’il avait convoqué les ministres de l’équipement et des transports et des mines et sont convenus de mettre en place une commission technique chargée d’étudier la question.
Là encore ould Hademine se sent personnellement visé car le ministre concerné n’avait pas été convoqué, tout comme Mohamed O. Maouiya qui était le président du conseil d’administration de la société et qui a signé tous les documents.
A propos de la vente des écoles ould Hademine a déclaré qu’il avait été convoqué par l’ancien président qui l’avait informé de la décision.
Il a ajouté qu’il avait visité ces écoles et qu’il s’était aperçu qu’elles étaient délabrées, avant de donner des instructions verbales au ministre de l’enseignement Ba Ousmane qui était présent.
Il s’est ensuite demandé les raisons pour lesquelles il était le seul à comparaître à propos de cette affaire, si c’est pour sa mauvaise performance ou parce qu’il était impulsif.
Yahya O. Hademine a encore dit que quand il avait été nommé premier ministre en 2014 il avait été chargé du dossier de la lutte contre la corruption, ce qui lui a valu beaucoup d’ennemis.
Il a rappelé le dossier du riz qui permettait à des corrompus de mettre dans leurs poches 5 milliards, précisant que certains d’entre eux avaient été déférés devant la justice.
Il a évoqué par ailleurs le dossier des fonctionnaires qui percevaient deux salaires de l’état, en leur proposant de choisir entre les deux traitements et cela a permis, selon lui de récupérer 11 milliards d’ouguiyas, « une raison de plus pour me faire davantage d’ennemis dans l’administration. »
Le dossier de la corruption, ajoute ould Hademine a également été ouvert au niveau des banques, au niveau du trésor public, dans les ambassades et dans les missions consulaires.
Après cette audition la séance a été levée en attendant la date de la prochaine qui sera fixée ultérieurement.
saharamedias