M'hamed Boucetta, qui a accompagné l'histoire contemporaine du Maroc, a tiré sa révérence vendredi. Il laisse derrière lui un parti divisé et en pleine crise.
M’hamed Boucetta s’est éteint dans sa villa du quartier Souissi à Rabat, dans la nuit du vendredi à samedi 18 février, des suites d’une longue maladie. Il était l’un des derniers doyens du parti de l’Istiqlal à avoir participé à l’histoire du Maroc avant et après l’indépendance.
Né en 1925 à Marrakech, il est formé aux études coraniques avant d’accomplir ses études universitaires en droit à la Sorbonne (France). En 1950, il démarre sa carrière en tant qu’avocat à Casablanca et devient rapidement bâtonnier du barreau du Maroc.
En 1958, il est nommé secrétaire d’État aux Affaires étrangères, dans le gouvernement de Ahmed Balafrej (le deuxième depuis l’indépendance), puis comme ministre de la Fonction publique sous le Conseil de Mohammed V et de Hassan II (1960-1961). Pendant cette brève période, la monarchie dirigeait les gouvernements pour stabiliser les institutions du jeune État indépendant. Fidèle à ses racines nationalistes, le parti de l’Istiqlal, que M’hamed Boucetta a fondé avec Allal El Fassi et d’autres militants, s’était engagé auprès du roi pour l’accompagner dans cet objectif. Non sans tensions internes…
La mémoire du Maroc
Sous le gouvernement d’Ahmed Osman, M’hamed Boucetta est ministre des Affaires étrangères (1977-1979) et conserve ce portefeuille sous le gouvernement de Maâti Bouabid (1979-1883).
L’esprit alerte, l’œil vif, celui qui a accompagné les trois rois et qui a arpenté les coulisses du Palais dans ses moments les plus agités, était la mémoire indispensable dans la compréhension de la relation conflictuelle entre le Makhzen et le mouvement national après l’indépendance.
À la mort d’Allal El Fassi en 1974, M’hamed Boucetta devient secrétaire général du parti de l’Istiqlal. Un poste qu’il occupera jusqu’à sa démission en 1998. C’est sous sa houlette que le mouvement entame les premières discussions avec Hassan II sur l’accès de la gauche au pouvoir.
Au début des années 1990, le monarque tend la main à l’Istiqlal pour former un gouvernement d’union nationale mais lui demande de garder son ancien vizir, Driss Basri. M’Hamed Boucetta refuse. Les consultations prendront plusieurs années avant d’aboutir à une réforme constitutionnelle en 1996 et ensuite à la formation du premier gouvernement d’alternance en 1998, sous la direction du socialiste Abderrahmane Youssoufi.
En 2000, alors que M’hamed Boucetta a choisi de se retirer de la vie politique, Mohammed VI le rappelle pour faire partie de la Commission de la réforme de la Moudawana, une loi qui introduira de grands changements sur le statut de la femme au Maroc. Conservateur bon teint, il avait l’écoute des autorités pour contre-balancer de manière habile les réformes prônées par les modernistes.
Sauver l’espèce istiqlalienne
Âgé et malade, M’hamed Boucetta a tout de même essayé de sauver son parti des mains de son actuel secrétaire général, Hamid Chabat, qui l’a précipité dans la plus grave crise de son histoire. C’est chez lui que les sages de l’Istiqlal se sont réunis le 2 janvier et ont rédigé une lettre demandant la démission du fauteur de troubles. Mais ce dernier est plus que jamais accroché à son poste…
Le 19 janvier, le roi Mohammed VI lui avait rendu visite sur son lit de malade à l’hôpital militaire de Rabat.
Nadia Lamlili
source Jeuneafrique.com