Je concède avoir hésité jusqu'à une époque récente à donner libre cours à ma pensée de porter un choix expressif et définitif alors sur un jeune homme de moins de 20 ans, en ce 1er octobre de l'année 1979, lorsque la 4ème promotion des élèves officiers de l'EMIA d'Atar, commandée par le sous-lieutenant Félix Négri, entamait sa formation pour le galon d'officier. Mes hésitations à percer le mystère qui couve le caractère tectonique intrinsèque du futur chef des Armées, se sont vite muées en appréhensions sur la personnalité même de ce ’’fennec’’ (un surnom que la promotion lui avait donné), au regard incisif. Ces appréhensions ont persisté en moi, malgré nos relations tissées dans le temps jusqu'à sa désignation comme Cemga, le 22 décembre 2021. Oh, rien de méchant, sauf que l'attitude débonnaire de Mokhtar Ould Bollé Chaabane (MBC), son intrépide curiosité vous font croire à une personne (persona veut dire qui porte le masque) insaisissable, en tout cas difficile à cerner, encore moins à apprivoiser, toujours dans l'antichambre prémonitoire d'un destin à portée de main, cependant pas encore concrétisé. Ceux qui le connaissent devraient constater une soif à vouloir se projeter vers l'avenir, dans l'espoir de réaliser quelque chose, pas pour lui seulement, mais plutôt pour tous. C'est ce que j'ai finalement compris en cette fin de mois de décembre 2024, après 45 années et trois mois de loyaux services, que ce brillantissime officier de carrière avait hâte de léguer un sublime et emblématique héritage à la postérité. Porteur d'une morale digne du rigorisme kantien et qui se résume en un seul et unique impératif : "tu dois donc tu peux". Désormais il y aura dans l'histoire militaire mauritanienne, un avant et un après MBC.
A/ Un parcours sans "tambour ni trompette"
L'homme est doué d'une intelligence rare avec ses yeux de félin, pas pour chasser, à l'instar du petit canidé malin et rusé, mais pour lire dans la pensée des autres. C'est ce qu'on appelle sortir de son égoïsme étroit pour communier avec les plus démunis, les faibles, les épris de justice. Est-ce suffisant de réussir juste avec ce matériau, là où beaucoup n'ont pas fait le job que leurs subordonnés attendaient d'eux ? Pourtant MBC dans son parcours d'officier a été l'objet de beaucoup de coups bas, d'inimitiés, venant le plus souvent de ses proches, soi-disant amis. Au lieu de jeter l'éponge, il s’est plutôt couvert d'une carapace en attendant sa destinée : auto, boulot, dodo.... Silence on travaille !!! Car rien ne va de soi, rien n'est donné d'avance, il faut s'atteler à observer, contourner les obstacles, construire et se reconstruire. Son parcours dans l'Armée est sans faute ; il aura "bourlingué", en franchissant tous les obstacles, sans l'appui d'une quelconque parentèle, d'un clan, encore moins d'une tribu. Prenez votre chapelet et égrenez : chef de section, commandant de compagnie, de bataillon, de centre d'instruction, commandant de brigade d'élèves officiers, commandant de région militaire, directeur de l'EMIA et enfin, chef d'Etat-major adjoint. Voilà une riche carrière rendue possible par un cursus normal, de l'application d'infanterie passée au grade de lieutenant, au cours de capitaine, ensuite le cours d'Etat-major, enfin le cours supérieur ou Ecole de Guerre.
B/ Qu’a -t-il de plus que les autres ?
Le 1er octobre 1979, date de notre recrutement, je ne m'imaginais pas un seul instant, et jusqu'à une période récente, que j'avais devant moi l'un des meilleurs, sinon le meilleur chef d'Etat-Major Général que l'Armée mauritanienne aura à produire. Il y a eu feus Mbarek Bouna Mokhtar, Moustapha Welaty, Yall Abdoulaye, Ahmedou Abdallah, Ahmed Minnih, Jebril Abdallahi, Mohamed Lemine Ndiayane, des pionniers qui se sont forcés de tenir droit le gouvernail, malgré le peu de moyens mis à leur disposition. La 2eme génération a également apporté sa contribution à la construction de l'édifice. Elle commence après la mort de Ould Ndiayane un certain 8 juin 2003, avec Elhadi Sedigh, ensuite El Arbi Jedeine, Ould Boubacar, Ould Mohamed Saleh, Félix Négri, Bourour, Meguett. Très franchement c'est avec l'actuel président Ghazwani, promu Cemga vers la 2eme moitié des années 2000 que les choses ont commencé à changer pour notre institution militaire. Si on devient Cemga, c'est qu'on a déjà des atouts à prévaloir. Certes Ghazwani a beaucoup fait pour l'institution en tant Cemga. Devenu président en 2019, en bon démocrate, il a toujours laissé ses collaborateurs gérer leurs budget et fonctionnement en leurs âme et conscience. Malheur à ceux qui, militaires ou civils, n'ont pas compris le message. !!!
Cependant le cas du général Mokhtar Bollé est spécifique. Il a surpris agréablement tous ceux qui étaient soulés par l'afro-pessimisme, jurant que rien ne changera. Je me suis toujours méfié de ceux qui font tout pour accéder aux places de choix. Mais MBC a honoré l'image de l'Armée de par son professionnalisme, sa rigueur dans le travail, son humanisme empathique pour ses subordonnés, en s'appuyant sur le côté social au niveau de l'institution. Nous avons enfin compris pourquoi MBC a toujours cultivé une ambition régalienne, en nous montrant cette fois son vrai caractère, puisque c'est au sommet de la gloire qu'on porte sur le cœur ce qu'on est réellement. Veni Vidi Vici : je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu ; à Mokhtar ce qui appartient à Mokhtar, même si Mokhtar appartient à Allah...MBC a été, paraît-il, félicité par le président Ghazwani ; nous souhaitons que son œuvre puisse faire des émules, aussi bien civils que militaires./.
Ely Ould Sid’Ahmed Krombelé, France
lecalame