Le Calame : La Mauritanie a célèbre la Journée nationale de lutte contre l'esclavage, le 6 Mars. Quel sens donner à cet évènement ? Quel bilan en tirez-vous, à El Hor ?
Samory Bèye: Le 6 Mars que célèbre désormais la Mauritanie chaque année en Journée de lutte contre l’esclavage n’apporte rien au fond du problème dans notre pays. Son objectif reste malheureusement de duper les institutions et la Communauté internationale, d’une part, et, d’autre part, berner ceux qui réclament l’élimination de cette pratique inhumaine et de ses séquelles. Elles sont encore vivantes. Que célèbre-t-on si l’on n’implique pas les victimes, ne leur offre pas l’occasion de parler de leurs conditions de vie et des épreuves qu’elles endurent?
- La Mauritanie qui nie l'existence de l'esclavage a tout de même criminalisé la pratique. Comment évaluez-vous les incidences de cette loi ? A-t-elle permis d'éradiquer la pratique et ses séquelles ou, du moins, réduit leurs méfaits?
- C’est le paradoxe de taille que nous constatons et déplorons. On nie un phénomène tout en le criminalisant, avec un arsenal juridique très bien élaboré et bien ficelé mais qui reste, dans le fond, abstrait et dénué de toute subsistance, sans impact positif sur les victimes. En dépit de tout cet apage, l’esclavage persiste dans ses formes les plus abjectes, accentuées par d’autres pratiques dont la discrimination, l’exclusion et l’asphyxie économique morbide. La véritable volonté politique n’a jamais existé chez les gouvernants qui ne font que resserrer l’étau sur les anciens esclaves haratines pour les écraser et les contraindre à l’abdication et à la soumission envers la domination esclavagiste.
- On assiste aux préparatifs du dialogue politique. Qu'en attendez en tant que président d’El Hor, du Conseil national de Moustaqbel et SG de la CLTM ?
- Ce n’est, à notre avis, qu’un habillage pour cacher les blasons sales, embellir et meubler le temps. L’objectif au fond, nous le savons pour y être habitué, c’est de continuer à rouler les Mauritaniens dans une tourmente qui nous déboussole et nous détourne de la bonne direction et du bon sens ; et, surtout, des vraies solutions aux vrais maux dont souffre notre pays. Ils sont connus mais rien n’est entrepris pour y apporter des remèdes. Jusqu’à quand ? Et pendant ce temps-là, les Mauritaniens affamés et assoiffés ont hâte de voir asseoir les bases d’un État-Nation, un véritable État de Droit garant de la justice et de l’équité...Hélas, aucune lueur ne pointe à leur horizon.
La responsabilité de cette situation incombe non seulement au pouvoir mais également à nos soi-disant leaders ou acteurs politiques qui, dans leur majorité, ne jouent qu’à la chandelle et manquent d’engagement et de vrai nationalisme. Reléguées à chaque fois au second plan, les questions nationales, comme celle de l’unité, sont à ce jour carrément sabordées.
-Vous n'y croyez donc pas ?
-Même si j'ai toujours pris les choses du bon côté, il m'est difficile d'y croire, tant j'en ai vu passer. Chat échaudé… L'expérience montre qu'il est difficile d'être optimiste. Mais attendons de voir…
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Propos recueillis par Dalay Lam
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