Note d’alerte
La révélation du scandale
Mohamed ould Mrazgui, enfant de 13 ans, né de caste servile, a été confié, à une famille de tuteurs, par sa mère Salma mint Salem ; celle-ci habite le village de Aïn Emelline, à 50 km de Boutilimit, chef-lieu du département, dans la région du Trarza, théâtre de dénonciations récurrentes, au motif de pratiques d’esclavage et de radicalisation religieuse. Mohamed devait servir la dame Vatimetou mint Mohamed Yahya ould Tlamid, en contrepartie d’une prime versée à ses propres parents. La ci-devant maîtresse, domiciliée à Nouadhibou, poumon économique de la Mauritanie, le maltraitait et lui faisait subir maints sévices dont des brûlures par couteau incandescent, la bastonnade à vif, l’isolement et les insultes racistes. En vertu de l’on ne sait quelle perversion, elle le contraignait à porter des tenues féminines, comme l’atteste une vidéo sur les réseaux sociaux.
Mohamed raconte, en détail, la maltraitance, le défaut de scolarisation, l’affectation permanente aux corvées et courses de la maison et le travail domestique, sans rémunération. Dès la découverte du drame, il revendique le retour auprès de sa mère. Selon les recoupements disponibles, il s’agit d’une situation d’exploitation et de séquestration, accompagnée d’actes de barbarie, ainsi que le prouvent les images jointes et le film, bref, où il témoigne. Manifestement, il est ici question d’esclavage moderne et de traite des personnes, en relation avec la servitude d’antan, l’enfant étant né de descendants de captifs, tous deux d’origine subsaharienne. Les cas similaires sont légion en milieu arabo-berbère et pas seulement au Trarza.
La réaction des autorités
Alertée grâce à la vigilance des voisins, la section de l’Ira à Nouadhibou se saisit de l’affaire, le 23 novembre 2022 à 11h ; aussitôt, elle dépose plainte auprès du procureur de la république qui ordonne, sans délai, l’ouverture d’une enquête. La commissaire de police en charge des mineurs, madame Salka mint Choumad, traînera longtemps les pieds, avant de se décider, enfin, à 18h. Comme il est d’usage en République islamique de Mauritanie, elle s’empresse d’arrêter les militants lanceurs d’alerte, Lemrabot ould Mahmoud et Lemine Djiby, respectivement Secrétaire général et responsable des droits humains, au sein de la section locale de l’Initiative de résurgence abolitionniste (Ira). Ils furent libérés, à minuit. A leur sortie, l’officier de la sûreté publique, Salka mint Choumad, intima, aux activistes, de laisser la victime entre ses mains et de rentrer chez eux. Compte tenu des antécédents de pression multiforme aux fins de modifier la nature du litige et de l’inscrire à la rubrique des faits divers, les partisans de l’Ira refusèrent de déférer à l’injonction. Leur crainte n’allait tarder à recevoir une illustration éclatante.
Cependant et contre toute attente, le parquet décida de sévir : dès après 18h, la police convoque Vatimetou mint Mohamed Yahya ould Tlamid, cible de l’incrimination et la place en détention préventive. Alors, la machine – rodée - du blanchiment des crimes d’esclavage, se mit en marche: la génitrice de Mohamed Mrazgui, Salma mint Salem, ainsi que le père, effectuent un voyage-éclair, de Boutilimit à Nouadhibou, sur un trajet de plus de 600km. Sous influence prévisible de la police, des politiciens du cru, de certains magistrats et des tribus, le couple exclut d’ester en justice ; la maman de Mohamed déclare avoir « confié » l’enfant à ses tortionnaires présumés ; elle s’emploie, plutôt, à changer les propos de ce dernier, malgré l’appel au secours et l’évidence des griefs, d’ailleurs circonstanciés.
En dépit des preuves de violence que confirment les cicatrices de blessures anciennes et fraîches, le père et la mère, assurent que la victime bénéficiait d’un traitement enviable ; son fils, prétend-elle, s’habillait bien et recevait de l’argent, en vertu d’une libéralité de ses bienfaiteurs. Raison supplémentaire de vigilance, de nature à interpeller le pouvoir exécutif, les députés et la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), Salma mint Salem évoque, par comparaison, le sort de ses autres garçons qui se trouveraient dans une posture similaire mais elle n’en précise le détail. Une enquête indépendante s’impose et vite.
Observations
Peu de jours après la visite, à Nouakchott, du Président du Conseil européen, l’honorable Charles Michels, porteur d’un message de relèvement de la coopération en matière d’Etat de droit et de sécurité, voici la Mauritanie rattrapée par l’héritage de l’esclavage, du racisme et de l’impunité. Le calvaire de Mohamed ould Mrazgui vient rappeler, à nos partenaires et surtout à l’opinion nationale, l’urgence d’une action spécifique pour sauver des milliers de mineurs en déshérence, de la double peine qu’implique le statut de rejeton d’esclaves, même affranchi : autant ils endurent la misère et l’exploitation, autant l’avenir hors de l’école moderne compromet leurs chances d’émancipation. A supposer qu’il soit acquis, l’enseignement exclusif du Coran ne les nourrira, ici-bas…
Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)
Nouadhibou, 28 novembre 2022
Liens connexes
L’enfant se décrit : https://web.facebook.com/abou.doip/videos/654458526377029
La mère donne sa version : https://web.facebook.com/lamin.djibi/videos/1435208000222082
Charles Michels se rend en Mauritanie : https://ami.mr/fr/index.php/2022/11/21/charles-michel-la-mauritanie-est-un-partenaire-solide-de-lue-un-partenaire-stable-dans-une-region-difficile/