En prévoyant d'investir massivement dans un gazoduc en Alaska, la Chine mise sur le gaz naturel liquéfié américain pour répondre à l'explosion de sa demande et diversifier ses approvisionnements. Mais le projet apparaît hypothétique, onéreux et compliqué.
C'était l'une des annonces marquantes de la moisson d'accords commerciaux dévoilée jeudi lors d'un sommet à Pékin entre le président américain Donald Trump et son homologue Xi Jinping.
Trois organismes étatiques chinois --le géant pétrolier Sinopec, le fonds souverain CIC et Bank of China-- se sont alliés à l'Etat de l'Alaska pour doper l'exploitation de gaz naturel liquéfié (GNL), prévoyant d'investir jusqu'à 43 milliards de dollars.
Leur idée est principalement de concrétiser un projet de gazoduc de 1.200 kilomètres reliant le nord de l'Alaska, dans l'Arctique, jusqu'à une future usine de liquéfaction au sud, un terminal d'où le gaz pourrait être acheminé vers l'étranger, précise Sinopec.
Une aubaine pour les Etats-Unis: le chantier devrait créer quelque 12.000 emplois et réduire de 10 milliards de dollars par an le déficit commercial américain, selon le gouverneur de l'Alaska.
Pour la Chine, "la diversification des approvisionnements garantit sa sécurité énergétique", indique à l'AFP Jenny Yang, analyste du cabinet IHS. D'autant que ces acheminements de gaz n'emprunteraient pas de routes maritimes à risque.
Mais l'accord, préliminaire et non contraignant, "ne va pas nécessairement se concrétiser", Sinopec pouvant s'en retirer à tout moment, insiste-t-elle.
"Il y a encore quelques étapes avant qu'une décision d'investissement finale soit prise", a reconnu le gouverneur de l'Alaska, Bill Walker.
Spéculatif'-
De grands groupes pétroliers --BP, ConocoPhillips et ExxonMobil-- étaient impliqués à l'origine dans ce projet de gazoduc, l'Alaska LNG, mais avaient jeté l'éponge début 2016 face aux coûts --susceptibles de dépasser 60 milliards de dollars-- et à la durée estimée du chantier.
D'autant qu'au même moment dégringolaient les cours du gaz naturel. Depuis, les prix restent bas et de nouveaux gisements, de l'Australie au Golfe du Mexique, sont exploités à moindre coût qu'en Alaska.
Mais "les Chinois sont bien plus patients avec leur argent", avec l'idée que leurs futures importations compenseront l'investissement, Sinopec se réservant l'essentiel du gaz acheminé, insiste James McGregor, président Chine du consultant APCO Worldwide.
"Sans la Chine, cette infrastructure ne verra pas le jour", observe-t-il.
D'autres sont plus circonspects.
Le projet "reste à un stade extrêmement préliminaire", considéré comme "spéculatif", car "son modèle économique n'est pas clarifié", insiste Kerry-Anne Shanks, directrice gaz du cabinet Wood Mackenzie. Selon elle, la décision finale "prendra probablement plusieurs années" et le chantier "au moins quatre ans".
Or, dans l'intervalle, Sinopec pourrait "trouver ailleurs à meilleur prix le GNL" qui lui fait défaut, même si l'Alaska a l'avantage d'être plus proche que le golfe du Mexique. Autre inconnue: le fait que les Chinois n'exploitent pas eux-mêmes les gisements.
- L'Arctique russe aussi -
Un vaste pacte commercial conclu en mai entre Pékin et Washington prévoyait déjà l'accélération des exportations de GNL vers la Chine --dont la demande explose, dopée par des politiques environnementales plus strictes, l'essor économique et l'urbanisation.
Sa consommation de gaz naturel a bondi de 17% sur les neuf premiers mois de 2017, selon l'énergéticien chinois CNPC. Elle pourrait tripler d'ici 2040, alors que Pékin, soucieux de diminuer l'omniprésence du charbon, promeut des énergies moins polluantes.
La grande majorité des importations chinoises de GNL (8,9 milliards de dollars l'an dernier) vient d'Australie et du Qatar, mais cette offre pourrait ne pas suffire à épancher sa soif croissante.
D'où le souci du géant asiatique de diversifier ses achats. Pékin lorgne sur les ressources russes: il avait conclu en 2014 avec Moscou un mégacontrat de fourniture de gaz et la Chine a investi dans des mégaprojets du russe Novatek dans l'Arctique.
Autre signe de cet appétit: CNPC a annoncé jeudi un protocole d'accord avec l'américain Cheniere Energy pour d'éventuelles ventes gazières à la Chine.
Mais "investir des milliards dans des énergies fossiles contredit la nécessité d'endiguer le réchauffement climatique, alors que la Chine se veut en pointe sur le sujet", s'agace Lauri Mullyvirta, de l'ONG Greenpeace.
L'enjeu environnemental pourrait compliquer le projet en Alaska, qualifié de "désastre" par l'ONG américaine Center for Biological Diversity, pour qui l'exploitation gazière arctique "détruira" les fragiles écosystèmes locaux.
(©AFP / 10 novembre 2017 12h30)
C'était l'une des annonces marquantes de la moisson d'accords commerciaux dévoilée jeudi lors d'un sommet à Pékin entre le président américain Donald Trump et son homologue Xi Jinping.
Trois organismes étatiques chinois --le géant pétrolier Sinopec, le fonds souverain CIC et Bank of China-- se sont alliés à l'Etat de l'Alaska pour doper l'exploitation de gaz naturel liquéfié (GNL), prévoyant d'investir jusqu'à 43 milliards de dollars.
Leur idée est principalement de concrétiser un projet de gazoduc de 1.200 kilomètres reliant le nord de l'Alaska, dans l'Arctique, jusqu'à une future usine de liquéfaction au sud, un terminal d'où le gaz pourrait être acheminé vers l'étranger, précise Sinopec.
Une aubaine pour les Etats-Unis: le chantier devrait créer quelque 12.000 emplois et réduire de 10 milliards de dollars par an le déficit commercial américain, selon le gouverneur de l'Alaska.
Pour la Chine, "la diversification des approvisionnements garantit sa sécurité énergétique", indique à l'AFP Jenny Yang, analyste du cabinet IHS. D'autant que ces acheminements de gaz n'emprunteraient pas de routes maritimes à risque.
Mais l'accord, préliminaire et non contraignant, "ne va pas nécessairement se concrétiser", Sinopec pouvant s'en retirer à tout moment, insiste-t-elle.
"Il y a encore quelques étapes avant qu'une décision d'investissement finale soit prise", a reconnu le gouverneur de l'Alaska, Bill Walker.
Spéculatif'-
De grands groupes pétroliers --BP, ConocoPhillips et ExxonMobil-- étaient impliqués à l'origine dans ce projet de gazoduc, l'Alaska LNG, mais avaient jeté l'éponge début 2016 face aux coûts --susceptibles de dépasser 60 milliards de dollars-- et à la durée estimée du chantier.
D'autant qu'au même moment dégringolaient les cours du gaz naturel. Depuis, les prix restent bas et de nouveaux gisements, de l'Australie au Golfe du Mexique, sont exploités à moindre coût qu'en Alaska.
Mais "les Chinois sont bien plus patients avec leur argent", avec l'idée que leurs futures importations compenseront l'investissement, Sinopec se réservant l'essentiel du gaz acheminé, insiste James McGregor, président Chine du consultant APCO Worldwide.
"Sans la Chine, cette infrastructure ne verra pas le jour", observe-t-il.
D'autres sont plus circonspects.
Le projet "reste à un stade extrêmement préliminaire", considéré comme "spéculatif", car "son modèle économique n'est pas clarifié", insiste Kerry-Anne Shanks, directrice gaz du cabinet Wood Mackenzie. Selon elle, la décision finale "prendra probablement plusieurs années" et le chantier "au moins quatre ans".
Or, dans l'intervalle, Sinopec pourrait "trouver ailleurs à meilleur prix le GNL" qui lui fait défaut, même si l'Alaska a l'avantage d'être plus proche que le golfe du Mexique. Autre inconnue: le fait que les Chinois n'exploitent pas eux-mêmes les gisements.
- L'Arctique russe aussi -
Un vaste pacte commercial conclu en mai entre Pékin et Washington prévoyait déjà l'accélération des exportations de GNL vers la Chine --dont la demande explose, dopée par des politiques environnementales plus strictes, l'essor économique et l'urbanisation.
Sa consommation de gaz naturel a bondi de 17% sur les neuf premiers mois de 2017, selon l'énergéticien chinois CNPC. Elle pourrait tripler d'ici 2040, alors que Pékin, soucieux de diminuer l'omniprésence du charbon, promeut des énergies moins polluantes.
La grande majorité des importations chinoises de GNL (8,9 milliards de dollars l'an dernier) vient d'Australie et du Qatar, mais cette offre pourrait ne pas suffire à épancher sa soif croissante.
D'où le souci du géant asiatique de diversifier ses achats. Pékin lorgne sur les ressources russes: il avait conclu en 2014 avec Moscou un mégacontrat de fourniture de gaz et la Chine a investi dans des mégaprojets du russe Novatek dans l'Arctique.
Autre signe de cet appétit: CNPC a annoncé jeudi un protocole d'accord avec l'américain Cheniere Energy pour d'éventuelles ventes gazières à la Chine.
Mais "investir des milliards dans des énergies fossiles contredit la nécessité d'endiguer le réchauffement climatique, alors que la Chine se veut en pointe sur le sujet", s'agace Lauri Mullyvirta, de l'ONG Greenpeace.
L'enjeu environnemental pourrait compliquer le projet en Alaska, qualifié de "désastre" par l'ONG américaine Center for Biological Diversity, pour qui l'exploitation gazière arctique "détruira" les fragiles écosystèmes locaux.
(©AFP / 10 novembre 2017 12h30)