Les dirigeants européens semblent plus divisés que jamais au moment de débattre jeudi des solutions pour sortir l'UE de la récession due à la pandémie de coronavirus, ce qui devrait les contraindre à reporter toute décision d'envergure.
Les 27 ne parviennent pas, pour le moment, à s'entendre sur la façon de relancer le moteur économique et un détail en dit long sur leurs divergences: contrairement à l'habitude, ils ne devraient adopter aucune déclaration commune à l'issue de leur sommet en visioconférence, qui débutera à 13H00 GMT.
Dans sa lettre d'invitation aux chefs d'Etat et de gouvernement, le président du Conseil européen Charles Michel, à la manoeuvre lors des sommets, leur "suggère de se mettre d'accord pour travailler sur un fonds de relance aussi vite que possible".
Mission devrait être confiée à la Commission européenne de travailler rapidement sur le sujet, ce qui constituera "le principal résultat du Conseil", anticipe une source européenne.
Pourtant, la pandémie a percuté de plein fouet les économies: l'UE, dont les populations sont confinées dans la plupart des pays, devrait enregistrer une chute record de son PIB de 7,1% cette année, selon les prévisions du FMI.
Et la crise qui menace les 19 pays de la zone euro risque d'être la pire de la courte histoire de la monnaie unique lancée en 1999.
- Solidarité -
Dans ce contexte, les vieux clivages, auxquels on avait déjà assisté après la crise financière de 2009, ont réapparu au grand jour.
D'un côté les pays du Sud, fortement endeuillés par la pandémie comme l'Italie et l'Espagne, réclament davantage de solidarité financière à leurs voisins du Nord.
Mais ces derniers, en particulier l'Allemagne et les Pays-Bas, moins touchés par le virus, rechignent à payer pour des Etats à qui ils reprochent de ne pas avoir fait preuve de discipline budgétaire pendant les années de croissance.
"Les pays du Sud ont l'impression que certains Etats, actuellement plus forts économiquement, vont utiliser cette crise pour l'être encore davantage. Et ceux du Nord pensent que leurs voisins du Sud vont profiter de la pandémie pour leur léguer le fardeau de la dette qu'ils ont contractée par le passé", résume un haut responsable européen.
L'Elysée anticipe "encore des débats à l'issue du Conseil" et n'attend pas d'accord avant l'été.
"Il faudra une réunion physique des chefs d'Etat et de gouvernement, au moins une", a résumé une source française.
"C'est le sommet typique sur lequel les rencontres bilatérales, la rencontre à côté de la salle, la possibilité de se parler, de se comprendre mieux dans un tête-à-tête, tout cela va manquer", a estimé l'ancien président du Conseil italien et président de l'Institut Jacques Delors, Enrico Letta.
- "Coronabonds" -
De l'avis de tous, le plan de relance devrait être de plusieurs centaines de milliards d'euros, mais un montant définitif est encore loin d'être acté.
Sur l'épineuse question du financement de fonds de relance, différentes options ont été présentées, mais aucune ne fait pour l'instant l'unanimité.
Rome, Madrid ou Paris plaident pour un endettement commun, sous des formes variées, que l'on a souvent résumé par le terme de "coronabonds".
L'intérêt de la mutualisation des dettes pour les pays du Sud de l'Europe, c'est de bénéficier des taux d'intérêt peu élevés des pays du Nord.
La question se pose également sur le lien entre le fonds de relance et le budget à long terme de l'UE, qui doit en principe être adopté d'ici la fin de l'année pour la période 2021-2027.
Cette option rassure les pays du Nord car elle fournit un cadre légal mais elle risque de susciter d'autres questions tout aussi compliquées, comme la priorité de ces dépenses d'investissement d'après-crise par rapport à celles qui sont traditionnelles comme la Politique agricole commune (PAC).
Les dernières négociations sur ce budget pluriannuel, en février avant la crise sanitaire et économique, s'étaient soldées par un échec retentissant.
AFP