Face à la dégradation de la situation dans le centre du Mali, limitrophe du Burkina Faso et du Niger, gagnés à leur tour par les violences jihadistes, les cinq pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) ont décidé lors d'un sommet en février 2017, organisé dans la capitale malienne, de réactiver le projet de création de cette force.
Cette initiative a depuis reçu le soutien de l'Union africaine (UA), de l'Union européenne (UE). Puis le 21 juin dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté à l'unanimité la résolution 2359, où il se félicite du "déploiement de la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) sur l'ensemble du territoire des pays qui y participent, avec des effectifs en personnel militaire et personnel de police pouvant aller jusqu'à 5.000 personnes".
Partenariat avec la force française Barkhane et la MINUSMA
Ce déploiement, concentré dans un premier temps sur les confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, s'ajoutera à ceux de l'opération française Barkhane, qui traque les jihadistes dans le Sahel, et de la Mission de l'ONU au Mali (MINUSMA).
"Le poste de commandement de cette force, sera basé au centre du Mali, à Sévaré, dans la région de Mopti", a indiqué à l'AFP le général Didier Dacko, précédemment chef d'état-major de l'armée malienne, nommé le 7 juin à la tête de la force du G5. "Nous n'allons pas travailler en vase clos", a-t-il assuré, prévoyant "une étroite collaboration avec les forces de Barkhane et celles de la mission de l'ONU".
"Le sommet du 2 juillet marquera une nouvelle étape, avec le lancement effectif de cette force conjointe, qui pourra poursuivre les groupes terroristes de l'autre côté des frontières", a souligné une source à la présidence française. "La force Barkhane va amplifier son soutien, aider à installer des centres de commandement et systématiser les opérations coup de poing", a-t-on précisé.
Le président français annoncera dimanche les modalités exactes de ce soutien, qui consistera surtout en équipements, selon l'Elysée. Une coopération entre Barkhane et les forces armées du G5 existe déjà, souligne l'état-major français, avec des opérations régulières ou plus ponctuelles. Ainsi, après une attaque meurtrière contre un poste de gendarmerie nigérienne à Abala le 31 mai, la riposte le lendemain des militaires nigériens, de groupes armés maliens et de Barkhane avait permis de neutraliser des assaillants et de récupérer du matériel.
L'épineuse question du financement...
Avec ce lancement officiel dimanche, au sommet de Bamako, la France espère déclencher "une dynamique internationale" pour le financement de cette force, et compte notamment sur l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. Elle espère aussi un "soutien concret" des Etats-Unis, présents militairement avec notamment des drones basés au Niger. Paris se dit déterminé à faire "ce qu'il faut pour que cette force soit opérationnelle sur le terrain vers le début de l'automne", avant d'élargir les demandes de contribution au-delà de l'Europe en fin d'année ou début 2018.
L'UE a déjà assorti son soutien d'une promesse de 50 millions d'euros. Mais cela ne sera pas suffisant pas car les pays du G5 Sahel sont parmi les plus pauvres au monde. La question financière reste donc très sensible, d'autant plus que le président tchadien Idriss Déby Itno, dont le pays constitue la principale puissance militaire du G5, a menacé de se retirer de ses opérations en Afrique, pour des raisons budgétaires.
On ne peut pas faire les deux à la fois, être dans le G5 et en même temps d'avoir des forces tchadiennes ailleurs sur le même théâtre, c'est impossible. Il y a un choix à faire.
Le président tchadien, Idriss Déby, au sujet du contingent tchadien de la Minusma, dans un entretien à TV5MONDE
"Nous pouvons être soit dans le G5 soit dans la MINUSMA, pas les deux", a précisé le président tchadien lors d'un entretien dans l'émission Internationales sur TV5MONDE. "Nous avons des limites, nous sommes arrivés vraiment au bout de nos limites. Nous ne pouvons pas continuer à être partout, au Niger, au Nigeria, au Cameroun, au Mali et au Tchad en même temps. Cela coûte extrêmement cher."
Une rencontre entre le président français et son homologue tchadien est prévue lors du sommet de Bamako dimanche.
Risque d'un "embouteillage sécuritaire" ?
Les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda qui avaient mis la main sur le nord du Mali en 2012 en ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de l'ONU, régulièrement visées par des attaques meurtrières, et les tensions s'étendent à d'autres régions du pays.
L'objectif du G5 Sahel est donc de lutter contre les combattants djihadistes dans la région, via des forces africaines issues des armées nationales des pays concernés. Une position soutenue par le président de l'Union africain (UA), le président guinéen Alpha Condé. "L'Union africaine doit prendre en charge la lutte contre le terrorisme", a-t-il assuré mercredi 28 juin, en visite au Tchad. Une déclaration qui a fait écho à celle du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, ex-ministre de la Défense de François Hollande pendant cinq ans. "La sécurité des Africains ne viendra, in fine, que par les Africains eux-mêmes", a réaffirmé Jean-Luc Le Drian le 15 juin à Dakar.
La MINUSMA doit pour sa part déployer dans les prochains mois une force d'intervention rapide composée de Casques bleus sénégalais basée à Mopti (centre).
FC-G5S, MINUSMA, Barkhane et des armées nationales, toutes déployées dans la région pour la lutte ati-terroriste. Pour certains experts et ONG s'inquiètent d'une approche trop sécuritaire, alors que les violences sont souvent alimentées par des conflits locaux et la mauvaise gouvernance. Dans une lettre au Conseil de sécurité en avril, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a ainsi mis en garde contre le risque d'un "embouteillage sécuritaire".
L'alliance des jihadistes du Sahel
Face à ces différentes forces, les groupes jihadistes eux semblent bien plus unis, désormais fédérés au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (en arabe, Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin). Une alliance annoncée dans une vidéo transmise le 1er mars 2017 à l’agence mauritanienne ANI, puis postée sur les réseaux sociaux.
L'on y voit assis côte à côte, cinq chefs djihadistes parmi les plus recherchés de la région : Iyad Ag-Ghali, achef djihadiste et fondateur du groupe Ansar Eddine dans le nord du Mali ; Yahya Abu Al-Hammam, l’émir de la région Sahara d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ; Amadou Koufa, chef de la brigade "Macina" d’Ansar Eddine ; Al-Hassan Al-Ansari, bras droit de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar pour le groupe Al-Mourabitoun, et le cadi (juge) d’AQMI, Abdalrahman Al-Sanhaji.
Et c'est Iyad Ag-Ghali qui a pris la tête de ce nouveau groupe qui se vise à concurrencer le groupe Etat islamique. Un danger reconnu par les diplomates français et africains. Le "terrorisme territorial et militarisé, qui occupait la moitié nord du Mali et menaçait sa moitié sud", est devenu un "terrorisme d'opportunité et de harcèlement", selon le ministre français Jean-Yves Le Drian. "Mais il est redevenu dangereux" parce qu'un des chefs jihadistes, Iyad Ag Ghali, a "réussi à fédérer des groupes disparates, y compris peuls.".
Depuis sa formation en mars, le groupe a revendiqué plusieurs attaques, dont celle du 18 juin perpétrée contre le campement Kangaba, un lieu de détente des expatries à la périphérie de Bamako.
source information.tv5monde.com
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