Au cours d’un débat organisé, le samedi 15 mai, dans un réceptif hôtelier à Nouakchott, les sénateurs ont réclamé l’annulation des réformes constitutionnelles opérées par l’ancien président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz. Entrés en résistance depuis mars 2017 face au régime de l’ancien président, les sénateurs reviennent à la charge pour interpeler le président Ghazwani sur les aménagements qu’ils avaient qualifiés et continuent de considérer d’ "anticonstitutionnels".
Prenant la parole à cette occasion, le président du Sénat, Dr. Cheikh Hanana, élu après cette décision a rappelé que les réformes en question ont été faites en violation flagrante de la Constitution et par conséquent les sénateurs s’y sont opposés pour défendre le droit et le respect de la loi fondamentale du pays qui a instauré, a-t-il rappelé, un parlement bicaméral. Aujourd’hui que ce régime n’est plus là, celui qui lui a succédé doit en tirer les conséquences et prendre toutes ses responsabilités pour restaurer la Constitution que les mauritaniens avaient approuvée démocratiquement.
Pour Cheikh Hanana, les sénateurs attendent aujourd’hui un signal fort du gouvernement qui se bat pour lutter contre la corruption et la gabegie. Notre loi fondamentale a elle aussi été « corrompue » et doit par conséquent être « réhabilitée » a-t-il réclamé.
Lui succédant, les sénateurs ont tous abondé dans le même sens, ils ont réclamé l’annulation des amendements constitutionnels rejetés par l’écrasante majorité de la population. Ils ont rappelé qu’apprès le rejet par l’une des chambres du Parlement, le débat était clos, le gouvernent ne pouvait selon la Constitution en appeler au Peuple. C’est l’une ou l’autre, pas les deux à la fois.
C’est fort de cette violation de la loi fondamentale démocratique et du forcing opéré par la seule volonté d’un homme que les sénateurs en appellent au président de la République, à son gouvernement, au peuple mauritanien pour l’annulation des amendements constitutionnels. Tous ont tenu à rappeler qu’ils le font aujourd’hui, comme ils l’avaient fait hier, non pour des intérêts personnels mais pour l’intérêt de leur pays.
Les orateurs ont tous dénoncé les humiliations dont ont fait l’objet certains de leurs collègues, arrêtés et jetés en prison. Les sénateurs ont réclamé des réparations pour les graves préjudices matériels et moraux subis par leurs homologues. Ils ont été violentés et humiliés pour des faits qui n’ont rien à avoir avec leur vote, signale un des intervenants. Une action en justice intentée depuis quelque temps pourrait se conclure sous peu, a-t-il indiqué.
Profitant du contexte de violence qui secoue le moyen orient, les sénateurs ont exprimé leur soutien au peuple palestinien victime de bombardements et de massacres de la part de l’armée israélienne.
Rappelons que les amendements constitutionnels adoptés par référendum en 2017, après leur rejet par la chambre haute du Parlement (Sénat 33 /56) comportaient la suppression de cette dernière, la modification des paroles de l’hymne national et des couleurs du drapeau national. Et pour contourner le rejet du sénat, l’ancien président a invoqué l’article 38 de la constitution et non les articles 99, 100, 101 consacrés à cette question. Ould Abdel Aziz qui a engagé la guerre contre les sénateurs dira lors d’une conférence de presse qu’il « n’acceptera pas que 33 sénateurs fassent arrêter ces réformes parce qu’ils tiennent à leurs postes ». Certains en prendront pour leur témérité.
Signalons que cette sortie des sénateurs intervient en pleine agitation politique. L’ancien président de la République qui fait feu de tout bois accuse tout le monde de corrompu depuis qu’il a été inculpé par la justice en mars dernier, avec 12 de ses anciens collaborateurs et proches.
lecalame.info