le projet de referendum relatif aux modifications constitutionnelles brandi par l’actuel chef de l’état, au mépris des dispositions pertinentes de notre loi fondamentale en ses articles 99, 100 et 101, continue de défrayer la chronique.
Apparemment déterminé à faire sauter ce verrou constitutionnel que représente le Sénat dont une majorité a eu l’outrecuidance de lui tenir tête dans un passé récent et dont l’existence lui est désormais insupportable, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz mais surtout son Premier Ministre et leur machine de propagande de l’UPR viennent d’entamer une nouvelle campagne politique arrogante et méprisante pour notre pays et pour son intelligentsia.
Cette campagne a été inaugurée par le PM Yahya Ould Haddemine qui semble y avoir risqué son va -tout au niveau des wilayas de l’Est.
En plus du volet relatif à la promotion des modifications constitutionnelles dont les fameuses bandes rouges du drapeau et autres conseils régionaux et regroupement d’institutions ne sont là que pour noyer le poisson de la suppression du Sénat, un autre thème aussi indigent que démagogique aura été ressassé en boucle par notre Premier Ministre qui n’a raté aucun meeting pour rappeler qu’ il n’est pas question pour le pouvoir incarné par le Président MOAA de partir en 2019, donc de respecter la loi, au terme des deux mandats fixés par la constitution. Parce qu’il faut terminer le Job et parce que le peuple le veut, selon Ould Haddemine. C’est aussi simple!.
Voilà la nouvelle Mauritanie, cette chassee gardée que nous sommes devenus, à écouter monsieur le Premier Ministre. Et voilà à quoi nous ont réduits notre docilité et notre stoïcisme coupables face à l’incurie et au mépris d’un système à qui la frange de notre élite qu’il s’est inféodée, accepte de vendre son âme et de brader notre pays, à vile prix.
A l’intérieur de nos wilayas, pour ne pas dire sur le chantier de cette mascarade référendaire annoncée, les équipes de l’ONS et de la CENI sont déjà à pied d’œuvre depuis quelques jours, et font semblant de procéder à un recensement administratif à vocation électorale, prétendument complémentaire mais surtout moribond.
On doit rappeler, à propos de la CENI, le maintien en état d’hibernation, ces trois dernières années, de cette institution depuis qu’elle avait cessé d’être utile, c’est -à-dire depuis qu’elle a fini de commettre le pseudo scrutin présidentiel organisé en vase clos, en juin 2014, entre le candidat MOAA et ceux qui avaient accepté de lui tenir compagnie dans cette course solitaire, suite au boycott de l’ensemble des partis de l’opposition.
Alors qu’ aucune révision de listes électorales, prévue par la loi, n’a eu lieu au cours de ces trois dernières années, cette période aurait dû être mise à profit par cette institution, pour améliorer les textes de notre arsenal juridique électoral. La CENI aurait dû, en particulier, veiller à ce que notre fichier électoral qui continue, avec 1 328 168 inscrits depuis les présidentielles de 2014 d’ occulter plus d’un million d’électeurs potentiels, soit plus inclusif et porté à un niveau d’exhaustivité acceptable au regard des standards internationaux dans ce domaine. Or dans son état actuel, il ignore 44 pour cent de l’électorat national.
A cet égard, on doit déplorer que sous prétexte de satisfaire tous les désidérata de ses partenaires au dialogue de 2011, en leur accordant toutes les attributions qu’ils avaient demandées pour leur CENI fraichement concoctée, le pouvoir avait poussé le bouchon de ses bonnes dispositions factices, jusqu’à leur concéder, par décret, les prérogatives dévolues par une loi organique à une Direction du Ministère de l’Intérieur dont la confection du fichier électoral était l’une des missions. On savait que cette CENI était introuvable mais on ne la croyait pas aussi boulimique de prérogatives.
Sauf que cette grave transgression des dispositions de l’article 3 notamment, de la loi organique numéro 2012 du 12 avril 2012 portant organisation de la CENI aboutit à une dilution inacceptable de responsabilités qui exonère l’Etat d’une mission (confection du Fichier Electoral) dont il est le seul capable de s’acquitter pour l’attribuer à une institution qui n’a aucune emprise sur les administrations en charge de la collecte initiale des données, de la délivrance des documents et du suivi permanent de l’état civil dans notre pays. Il s’agit notamment de l’Agence Nationale du Registre de la Population et des Titres Sécurisés et des Municipalités.
Ainsi et jusqu’au jour où il y sera remédié, cette quadrature du cercle continuera de pénaliser la réalisation de ce répertoire essentiel qui constitue le noyau dur et le principal enjeu dans toute opération électorale crédible. Dans le cas qui nous préoccupe en ce moment et pour les raisons développées précédemment, il est très clair que nous sommes en face d’un projet de referendum dénué de toute légalité et dont les opérations de vote seront basées sur un fichier électoral au rabais, qui exclut la quasi moitié de nos compatriotes qui ont le droit de voter ou d’être élus. Pour toutes ces raisons, ce scrutin ne mérite pas seulement d’être boycotté mais il doit être AVORTE, par tous les moyens.
Car, jusqu’à preuve du contraire, ce referendum constitue l’embryon insidieux d’un coup d état anticonstitutionnel dont la gestation a été jusqu’ici contrariée par le verrou de la chambre haute dont les membres méritent le respect et, en l’occurrence, l’appui de tous nos compatriotes dans cette phase d’un combat politique certes asymétrique mais tout en leur honneur.
En vertu de quel droit en effet, dans un pays où le Président de la République et son gouvernement violent la constitution eux-mêmes, piétinent le pouvoir législatif qu’ils empêchent d’exercer ses prérogatives constitutionnelles, veut-on exiger du citoyen d’être légaliste et d’obéir aux injonctions de ces autorités ou même d’assister en spectateur indifférent au déroulement d’une parodie d’élection destinée à cautionner de telles turpitudes dont l’objectif immédiat est de régler leurs comptes à des adversaires politiques avant d’être utilisées, demain, à d’autres fins, encore plus inavouables.
En un mot, toutes proportions gardées et dans la veine du hadith de notre saint prophète Mohammed PSL qui dit qu’aucune obéissance n’est due à quiconque ordonne de faire ce que Dieu a interdit, nul dans notre pays ne doit accepter l’organisation d’un tel scrutin qui viole la plus sacrée de nos lois, symbole de notre contrat social.
Cheikh Sid Ahmed Ould Babamine