Plus que quelque trois jours avant le démarrage tant attendu de la campagne pour les élections du 1er Septembre. Des scrutins au cours desquels les Mauritaniens auront à élire, d’un coup, leurs conseils municipaux, régionaux et députés à l’Assemblée nationale. Une consultation particulièrement importante, donc, pour le pays qui s’apprête à élire, quasiment dans la foulée, un nouveau président de la République : c’est en effet à la mi-2019 que l’actuel achèvera son second et dernier mandat. Importance rehaussée par la participation de l’ensemble des forces politiques du pays, après une longue période de boycotts de l’opposition dite radicale, qui avait écarté celle-ci des structures de représentation démocratique. On va donc pouvoir mesurer le poids des uns et des autres.
Autrement dit, une élection-test. Le pouvoir cherchera à conforter, par tous les moyens, sa majorité, pour mieux se positionner en direction de la présidentielle de 2019. Il s’attellera surtout à traduire, dans les urnes, le million d’adhérents du principal parti de la majorité, à savoir l’UPR. Mais ce grand parti a-t-il su panser ses plaies, apparues lors de sa dernière réimplantation et les investitures qui s’en sont suivies ? Le pouvoir a-t-il tiré les leçons du referendum d’Août 2017 qui lui fit connaître ses premières secousses ? On se rappelle encore de l’opposition des sénateurs de la majorité présidentielle au plan de leur mentor, contraint à user du forcing, pour faire triompher, très modestement, son projet contesté.
En dépit de sa forte implication, mobilisant toute l’administration et les forces sécuritaires, il n’y enregistra, en effet, qu’une victoire « mitigée », ébranlant fortement son UPR. C’est peut-être depuis cette date que l’opposition a fini d’entendre que le régime n’est pas aussi fort qu’il le prétendait. Fondé en 2009, le principal parti de la majorité présidentielle n’en finit pas de dépasser ses crises de croissance ou, disons, d’adolescence. Le referendum fut un sérieux révélateur de ses divergences avec le gouvernement, les querelles de la réimplantation, cette année, et des investitures de ses candidats, aux prochaines élections, n’en ont certainement pas aplani les doutes. De quoi réconforter l’opposition qui espère bien profiter de ces failles pour reprendre le terrain perdu et se positionner pour l’alternance de 2019. L’enjeu est donc de taille, tant pour elle que pour le pouvoir.
Il faudra cependant, à l’opposition, beaucoup de courage dans cette bataille, contre un pouvoir qui bénéficie, en plus de sa machine de fraude, comme partout en Afrique, de l’appui de l’administration, de ce qu’on appelle « la prime au sortant ». L’opposition devra s’atteler à « démystifier » les réalisations du pouvoir depuis 2009, passer à la trappe ses slogans qui firent mouche : « président des pauvres », « lutte contre la gabegie », « justice sociale », etc. Elle en a les moyens et le document produit par Moussa Fall, président du MCD, vient apporter de l’eau à son moulin. C’est précisément à partir du bilan du gouvernement que l’opposition pourrait bâtir sa stratégie de reconquête. Ses diverses alliances en constituent une autre sérieuse. Et la réaction du pouvoir, procédant à l’arrestation du président d’IRA, tête de liste nationale de l’alliance RAG-SAWAB, son refus de laisser passer la candidature de son farouche opposant, Ould Ghadda, embastillé depuis bientôt une année, témoignent d’une fébrilité certaine, au sommet de l’État. Une opportunité que l’opposition ne doit pas manquer d’exploiter, pour tirer son épingle du jeu.
Et la CENI dans tout ça ?
Pendant que les acteurs et partis politiques s’activent à préparer la campagne, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) se démène pour respecter la date prévue. Dieu sait qu’elle se débat dans des conditions particulièrement difficiles ! Contrairement aux dernières élections, quasiment tous les partis ont décidé de prendre part aux élections. Ils sont quelque cent quatre à briguer les suffrages de près d’un million quatre cents électeurs. Avec tous cette alternative de prouver leur existence ou disparaître de la carte politique du pays. Dans certaines circonscriptions, on compte ainsi près de cinquante listes candidates. C’est dans cette situation que la CENI doit organiser la crédibilité et la transparence des scrutins. Comment rassembler ses représentants, ceux des listes candidats, des observateurs nationaux (Direction générale des élections, Observatoire national des élections) dans une seule salle ? Comment prendre en charge tout ce beau monde à nourrir le jour de vote ? Comment gérer le dépouillement des votes, en fournissant, à chaque représentant de parti, un PV des résultats ? Un défi logistique immense, pour une CENI dont l’indépendance et la légitimité sont contestées par l’opposition. Saura-t-elle le relever ? Wait and see…
DL