C’est dans moins de dix jours que la campagne électorale pour l’élection des députés, des maires et des conseillers régionaux va commencer, sur toute l’étendue du territoire national. Les acteurs politiques de plus d’une centaine de partis de la majorité et de toutes les oppositions procèdent aux derniers réglages, pour mettre toutes les chances de leur côté dans un contexte marqué par les dispositions contraignantes d’une nouvelle loi qui leur impose, non seulement, la participation au scrutin mais, aussi, la réalisation d’un score électoral au moins égal à 1% des suffrages exprimés.
C’est le moment de rappeler un adage bien de chez nous selon lequel « qui se cache avec les jours est nu ». Au Brakna comme dans quasiment toutes les autres wilayas du pays, la vague de mécontentement suscitée par le choix des candidats, surtout de l’Union Pour la République (parti au pouvoir) n’est pas encore retombée, alimentant l’hypothèse d’un vote-sanction que de nombreux déçus s’emploient à vulgariser.
Aleg : À bas la proportionnelle !
Dans la moughataa centrale, ce sont neuf candidats qui vont se battre pour la mairie, contre quinze pour un des trois postes de député. L’UPR, le RFD, Tawassoul, Sawab/IRA, le Sursaut, El Karama et autres PUD, UDP et APP ont présenté leurs candidats. Dans cette ville, le ministre de l’Équipement (Mohamed Abdallahi ould Oudaa) et le chargé de mission à la Primature (Alioune ould Issa), très mécontents des choix de l’UPR, ont respectivement présenté, à la députation, El Hassen ould Mohamed Habib (cousin du ministre) et Youssouf ould Bellal (frère du chargé de mission), au compte du parti Sursaut, pour le premier, et d’El Karama, pour le second. Une indiscipline envers l’UPR que le président Mohamed ould Abdel Aziz aurait bénie, dit-on, leur recommandant de constituer tout simplement leurs propres listes et de les présenter via l’une des onze formations politiques avec lesquelles l’UPR a signé un protocole d’accord électoral, dans les trente-trois départements où la proportionnelle est en jeu.
Une stratégie qui pourrait permettre, au gouvernement, de s’assurer les trois postes de députés et de fausser, du coup, les fondamentaux de la proportionnelle dont l’objectif principal est de permettre, aux petits partis, de tirer leur épingle du jeu, en s’attribuant quelques reliefs électoraux. Selon les observateurs, les trois listes favorites – UPR et ses deux excroissances Sursaut et El Karama– devraient mobiliser assez d’argent pour rafler les trois places qui leur seront cependant rudement disputées, par la douzaine d’autres candidats. Étant entendu que chacune de ces trois listes est soutenue par un grand ensemble tribal, incarné par une des personnalités qui les parraine. A priori, le général qui soutient la liste UPR, le ministre de l’Équipement qui parraine celle du Sursaut et le chargé de mission qui encadre la liste d’El Karama ne se feront pas de concessions pour démontrer une popularité qui sera déterminante pour l’avenir.
Boghé : « Gare à ta mère, ô dernier ! »
En cette ville d’anciens généraux retraités (ils sont au moins trois), et panoplie de très hauts cadres civils dont au moins deux ministres en exercice, tous se démènent à colmater les brèches, d’une part, et, d’autre part, à aplanir leurs divergences, pour obtenir le passage des listes candidates à la mairie et à la députation proposées par l’Union Pour la République. Huit autres formations politiques (AND, PUD, Sawab/IRA, AJD/Tawassoul, UDP, APP, UFP/MPR et CD) présentent des candidats pour les deux postes de députés, contre quatorze listes candidates à la mairie de la ville. Là aussi, les jeux sont d’être loin faits, puisqu’une fois encore, les choix du parti ont occasionné beaucoup de mécontentement, au point que divers inconditionnels de l’UPR ont déclaré publiquement leur hostilité à ses candidats, aussi bien à la députation qu’à la mairie. Jadis très populaire, du temps de l’UFP qu’il a quittée depuis plusieurs années, l’ancien maire de Boghé, Bâ Adama Moussa, que l’UPR a choisi comme candidat, doit savoir à quoi s’en tenir, face à des coalitions particulièrement fortes, comme UFP/MPR et, surtout, AJD/Tawassoul qui mit en ballotage le puissant UPR, aux dernières élections de 2014.
Bababé et M’Bagne : UPR contre UDP
Dans ces deux moughataas, les choses se jouent, traditionnellement, entre le parti au pouvoir et celui de Mint Mouknass, très implanté dans cette partie de la Vallée. À Bababé, sept listes (UPR, UDP, Sawab/IRA, UFP/MPR, Alliance Populaire, PS, RD/Tawassoul) sont candidates à la mairie, tentant de détrôner Bâ Mamadou Abdoulaye, dit Blé, que le parti a reconduit pour la énième fois. Ces formations politiques ont aussi présenté des candidats à la députation. Ainsi, l’UPR a présenté le duo Oumar Abdallahi Sarr et Souleymane Ndiaye ; Sawab/IRA, Seydou Sall et Alioune Cheikh ; l’Alliance Populaire, Seydou Ali Ball et Daouda El Hadj ; l’UDP, Abdel Aziz Sall et Oumar Samba Dieng ; la Rencontre Démocratique/Tawassoul, Mohamed Abou Ahmed et Lemine Ethmane Beilil ; et le MPR, Bâ Ethmane et Dieng Housseinou. Juste à côté, six listes vont se disputer la commune d’El Vor. L’UPR, l’UDP, El Wiam, l’APP, El Fadila et Tawassoul y ont en effet présenté des candidats.
Représentation au Brakna : Exclusion
Déjà des voix se font entendre, au plan national, pour regretter la très faible représentation de la communauté harratine, dans les candidatures proposées par l’UPR. La tête de liste des femmes ne semble pas trop calmer les ardeurs des fils d’anciens esclaves, devenus subitement incontournables, dans les jeux et les enjeux politiques nationaux, comme le prouvent les cooptations réalisées dans les listes de tous les grands partis politiques du pays (cf. listes nationales candidates). La désignation de l’ingénieure Maimouna mint Ahmed Salem, transfuge d’IRA, en tête de liste des femmes UPR, ne fait pas l’unanimité, quand le placement, sur la liste nationale, d’anciens fidèles de la Rectification, de la trempe de Sidi Mohamed El Moudir ould Bouna frise l’humiliation. Parachuté à la sixième place, il n’a quasiment aucune chance d’être élu.
Au Brakna, sur les vingt-une communes, l’UPR n’a proposé que deux candidatures harratines, en deux petites communes rurales dont probablement personne ne voulait (El Vor, dans le département de Bababé, et Dar El Avia). Sur les onze députés de la wilaya, l’UPR a proposé cinq négro-africains à la candidature (un à Boghé, deux à Bababé et deux à M’Bagne), quatre maures et deux harratines (un à Boghé et un à Aleg). Lalla mint M’Barek, placée deuxième à Aleg, a très peu de chance d’être élue, à cause des listes présentées par le ministre de l’Équipement, Mohamed Abdallahi ould Oudaa, et le chargé de mission, Alioune ould Issa, dont les « gens » vont voter contre le choix de l’UPR aux législatives. ÀBoghé, l’élection du jeune Ould Maham est tout aussi incertaine, en présence des fortes coalitions concoctées entre plusieurs partis de l’opposition traditionnellement bien implantés à Boghé, d’une part, et, d’autre part, du mécontentement suscité par le choix de l’UPR. En aucune des six communes de la moughataa d’Aleg (Aleg, Bouhdida, Cheggar, Agchorguitt, Dielwar et Male), l’UPR n’a proposé de candidat harratine ou négro-africain.
El Kory Brahim
source lecalame.info