Les Mauritaniens sont unanimes : la dilapidation de l’argent public était quasiment systématisée. Depuis, au moins, une bonne vingtaine d’années. Ce n’est pas totalement faux. Durant ses vingt-et-un ans de règne, Maouiya ould Sid’Ahmed Taya fut, effectivement, moins que peu regardant sur les comportements guère orthodoxes des gestionnaires de l’argent public. La mémoire populaire ne dit-elle pas que « celui qui ne s’est pas enrichi au temps de Maouiya ne s’enrichira jamais » ? Manière de dire combien l’argent sale coulait à flot, partout. Tous les Mauritaniens, toutes tendances confondues, en ont profité, directement ou indirectement.
Depuis 2008, le système et ses acolytes prétendent que l’argent public n’est plus « volable ». La lutte contre la gabegie le prémunit depuis contre toutes les tentations. Mais, dans la réalité, les choses et les pratiques n’ont pas beaucoup changé, nonobstant les prétentions des uns et des autres. Trois exemples suffiront à le prouver. Sur quels critères sont attribuées les présidences de conseils d’administration et organisées les troubles modalités de leurs salaires et avantages ? Ordinairement, banalement, sur la base de l’allégeance au système. Filtre très sélectif mais, aussi, très ouvert : les notables, les femmes, les jeunes, les retraités, les chefs traditionnels, les présidents de parti…
Chacun selon son grade et son importance mais tous invariablement lèche-bottes, parachutés à la tête d’un établissement en fonction de la force et de l’influence des lobbies auxquels ils sont affiliés, au sein du pouvoir. Second exemple : la banqueroute des sociétés publiques. Edifiants parcours de l’ENER et de la SNIM ! La première agonise. La seconde vit à peine, avec force acrobaties et « injections » de fonds externes, à provenance douteuse. Depuis sa nationalisation, le 28 Novembre 1974, la plus importante entreprise nationale n’a jamais connu aussi graves déboires. Exemple trois, les petites supercheries visant à grossir les revenus d’une certaine catégorie des fonctionnaires, comme la honteuse histoire des heures supplémentaires qui engloutissent, tous les deux mois, des dizaines voire centaines de millions, partagées injustement entre les directions centrales, via les ministères publics.
Une grosse arnaque qui permet de détourner, à ciel ouvert, de l’argent public, au profit d’une minorité de proches et amis de quelques hauts fonctionnaires. Ce sont de telles pratiques qui « justifient » le volume et la disparité entre les salaires. Le président du conseil d’administration d’une petite ou moyenne entreprise touche, au minimum, quelques centaines de mille, plus du carburant pour la voiture que l’établissement lui affecte. Alors que celui d’une société comme la SONIMEX ne touche pas moins d’un million, avec d’autres avantages. Allez savoir ce que touchent les présidents des conseils d’administration des ports de Nouakchott et Nouadhibou, de la SOMELEC, de la SNDE ou de la SNIM ! Ce n’est pas pour rien que le patron de l’UPR a choisi d’être PCA de la société du sucre : deux millions, SVP ! Alors que le plus grand cadre d’un ministère comme celui de l’Education ou de la Santé ne touche, à quelques deux ou trois ans de la retraite, que cent soixante mille ouguiyas, soit moins de la moitié de l’indemnité de carburant accordée au PCA de la SONIMEX, par exemple. Qui a dit que le saccage de l’argent public n’a plus droit de cité ?
Sneiba
source lecalame.info