En Albanie, des petites mains s'affairent à emballer le plus vite possible les anchois en conserve qui garniront les tables en Italie ou en Espagne. Par temps de coronavirus, les exportations vers les deux pays européens les plus durement touchés s'envolent.
Ce secteur d'activité est l'un des rares à surnager dans le marasme économique provoqué par les mesures draconiennes prises par l'Albanie contre un fléau qui a fait plus de 52.000 morts sur la planète.
Sur la côte de la mer Adriatique, dans le port industriel de Durres, la deuxième ville albanaise, une cinquantaine de femmes, charlotte bleue sur la tête et masque couvrant la bouche, conditionnent des anchois salés chez un fabricant artisanal de conserves de ces poissons.
Dans une grande salle blanche immaculée qui fait penser à un bloc opératoire, elles lavent les anchois préalablement confits au sel pendant quatre mois, les sèchent, ôtent l'arrête centrale et lèvent les filets qui seront mis sous vide ou en bocal.
Avant le coronavirus, elles étaient 130 mais, distance de sécurité oblige, leur nombre a été réduit. Pourtant, elles doivent produire plus et dans un temps de travail restreint par le couvre-feu.
Car l'appétit pour les anchois a augmenté de 30%. Avant l'épidémie, Nettuno exportait plus de 25.000 kilos mensuels de conserves en Italie et en Espagne. Aujourd'hui, "la demande est passée à 34.000 kilos par mois", raconte à l'AFP Orlando Salvatore, le patron italien de cette entreprise qui figure parmi la dizaine du secteur.
Cet engouement, il l'explique par le confinement des familles italiennes et espagnoles privées de restaurant et qui ont besoin de l'anchois, un met très apprécié, pour faire la cuisine.
"Les gens se mettent à préparer la pizza à la maison, ce qui augmente beaucoup les ventes", ajoute-t-il.
Orlando Salvatore est inquiet pour sa famille qui vit en Italie, près de Palerme (Sicile, sud), mais va ouvrir en mai une autre usine en Albanie qui pourra produire le double de conserves.
Les ouvrières sont quant à elles soulagées d'avoir encore un travail alors que beaucoup d'Albanais ont perdu leur emploi du fait de la fermeture de plus de 30.000 entreprises.
"Nous sommes contentes que les anchois produits ici aillent en Europe, en Espagne, en France", dit Landa Tabaku, une ouvrière d'une quarantaine d'années. "Malgré cette période difficile, les ventes se poursuivent et nous, nous pouvons avoir du travail chaque jour".
Elles sont payées 1,5 euro le kilo d'anchois conditionné et Landa arrive à en faire 20 par jour, ce qui lui permet de gagner le triple du salaire minimum.
Mais les poissons qu'elles traitent ont été pêchés en 2019. Cette année, la campagne qui commence en avril sera perturbée par les restrictions qui handicapent la pêche comme le reste de l'économie.
Selon Alban Zusi, le président de l'Association des industries alimentaires, l'Albanie a exporté en 2019 vers l'Union européenne environ 2.000 tonnes d'anchois traités, à la troisième place après l'Espagne et le Maroc.
AFP