Acte 1 : La sécurité mord la poussière
Il y a trois semaines, le Vendredi, en fin d’heure, une agence de la BMCI à la limite nord-ouest de Nouakchott, reçoit la visite de quatre indésirables dotés d’armes à feu. Ils mènent, tambour battant et sans la moindre opposition, leur hold up, réussissant à emporter la bagatelle de 29 millions d’ouguiyas, avant d’embarquer dans une voiture aux verres teintés, sans plaques d’immatriculation…
Acte 2 : Première fausse piste
Au cours des premiers constats de la police, une carte de recommandation de la DGSN est ramassée au sol de la banque. On croit aussitôt avoir élucidé le crime et le détenteur de la carte est mis sous les verrous, au grand soulagement de l’opinion, tout à la fois surprise et terrorisée par le braquage. Mais, après vingt-quatre heures d’intenses interrogatoires, on doit reconnaître que le pauvre monsieur n’est coupable que d’être passé à ladite agence, la même matinée, pour retirer un chèque, et d’avoir fait tomber, à son insu, sa carte de recommandation, en retirant son portefeuille de la poche de son boubou. Il ne reste plus qu’à relâcher l’innocent. Intoxiquée puis déçue par les fausses informations relayées par des medias inconsidérément prompts à « faire du scoop », l’opinion publique s’impatiente…
Acte 3 : Nouvelle déception
Entrent alors, dans la danse, les nouveau agents de la Brigade des Recherches du Banditisme (BRB). Mais ils ne sont ni rôdés ni entraînés, comme l’étaient Didi et compagnie, mutés en divers services et commissariats. La première étape de la nouvelle BRB s’emploie à rafler tous les repris de justice en liberté. Une dizaine de récidivistes sont ainsi écroués au CSPJ. La plupart seront relâchés dans les jours qui suivent, à part le fameux Moctar, dit Govinda, et trois de ses complices. Les policiers sont certains d’avoir arrêté les auteurs du braquage et programment même de les présenter, à la presse officielle, dès le lendemain. Mais, en réalité, l’enquête n’a pas avancé d’un iota. Tout le monde jure pourtant, à commencer par les responsables de la banque, que les coupables sont entre les mains de la police et la quasi-totalité de la presse indépendante s’en fait l’écho. La BRB s’acharne sur sa piste. Las ! Les quatre Dalton ont tous un alibi en béton, bientôt prouvé par l’examen de leurs téléphones portables et plusieurs témoignages : en quête d’or, ils se trouvaient aux environs deTasiast, au moment du braquage. Finalement, la police doit se résigner à les relâcher, au grand dam de la banque et de l’opinion publique.
Acte 4 : Les investigations de la banque
Voyant que la police piétine, la direction générale de la BMCI lance une enquête privée. Une commission de cadres de haut niveau est chargée du dossier et un premier indice est découvert, après quelques jours d’apurement des comptes particuliers. Un client a versé, quotidiennement, de petites sommes, à l’agence victime, pour les retirer le lendemain, à celle de Teyaret. On consulte le fichier central pour l’identifier et l’on tombe sur un certain Abdallahi ould Moloud, né en1997 et membre d’une ONG. Une image de la caméra du guichet le dévisage clairement, en train de faire un versement. Une autre de la caméra extérieure le montre en compagnie d’un jeune homme en train d’embarquer dans une voiture de même couleur et type que celle utilisée par les bandits. On tire alors une photo d’Abdallahi qu’on présente à la caissière qui avait pu voir le contour des yeux des braqueurs cagoulés. Elle y reconnait aussitôt l’un d’eux, grâce à une petite cicatrice qu’il a au-dessus du sourcil droit. La police est aussitôt mise dans le bain. Deux heures plus tard, une villa du quartier Ksar est cernée puis investie. La mère d’Ould Maouloud – elle est de nationalité russe – interpelle les policiers : « Vous ne pouvez pas arrêter mon fils sans preuves ». Les policiers lui montrent les photos et le mandat d’arrêt. Embarqué au commissariat et interrogé, Abdallahi ne tarde pas à cracher le morceau. Il reconnaît le forfait et livre les noms de ses complices : Bebaha ould Ahmed Miské, Mohamed Fadel et le coordinateur de l’opération, Mohamed Salem ould Abdel Vettah. Ould Ahmed Miské est propriétaire d’une usine, à la plage des pêcheurs, et Mohamed Fadel, un sous-officier de l’Armée de l’air. Les deux sont coffrés le même jour à Nouakchott. La fouille de leur domicile permet de retrouver vingt millions d’ouguiyas, ainsi que les deux armes utilisées lors du braquage : un fusil Mauser et un pistolet 9 mm. Quant à Abdel Vettah, sa cavale dure cinq jours, avant de s’achever hors de Nouakchott, précisément au village de Nemjat près de Tiguint. On le ramène au CSPJ.
Acte 5 : Le cinquième homme
Un cinquième élément associé à la bande est arrêté le lendemain. Il s’agit d’un armurier de la foire nationale, appelé Moustapha ould Amar Haddad. C’est lui qui a vendu le fusil aux braqueurs. Après quelques jours de garde à vue, il est mis sous contrôle judiciaire, alors que les quatre autres sont déférés et écroués. « Simple » vendeur d’armes, Moustapha est, actuellement, libre de ses mouvements. Il retournera certainement à la foire et continuera à vendre les articles de son armurerie sans être inquiété.
Doutes persistants…
L’arrestation des présumés braqueurs de l’agence de la BMCI n’a, semble-t-il, pas convaincu toute l’opinion publique, malgré la reconnaissance des faits par les accusés. Certains analystes doutent de l’hypothèse de la police et restent persuadés que ce holdup ne peut avoir été accompli que par des professionnels du crime. Aussi ces observateurs croient-ils à un montage de toutes pièces, par la police, pour cacher son incapacité à arrêter les véritables coupables. Rebondissements encore à venir ?
Mosy
source lecalame.info